Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
CHAPITRE V

cérémonies du jour, et de pénétrer plus avant dans la foule.

À une heure, nous étions à la mosquée verte ; le sous-chef de police nous attendait au portique. La cour est remplie d’une foule bigarrée traitant ses affaires, faisant ses achats aux échoppes du cloître en attendant l’ouverture de la cérémonie religieuse. Un marchand nous invite gracieusement à prendre place dans le compartiment du cloître où sont établies ses marchandises : il nous offre café, thé, cigarettes, et refuse de rien accepter de nous.

Pendant ce temps la foule se masse autour de la mosquée ; nous nous installons au milieu des fidèles à côté du sous-chef de police. Un Imâm s’assied, jambes croisées, sur une petite estrade servant de chaire et commence le récit des souffrances de Hussein. Il a le défaut de bien des prédicateurs qui est d’être fort long ; il prend à la création du monde, passe en revue les prophètes de l’Ancien Testament, parle avec beaucoup de respect de « Jésus, fils de Marie », tout en débitant les fables stupides dont Mahomet a travesti sa vie. Il aboutit enfin aux Musulmans. Arrivé à son sujet, il prend un ton à la fois langoureux et pathétique qui rappelle étonnamment les prédications italiennes. Aux endroits les plus touchants, il s’arrête sur un sanglot ; à ce signal toute l’assistance répond, gémissant et pleurant ; chacun arrache violemment sa coiffure et se frappe le front avec la paume de la main. Ces gémissements, ces battements de main que les plus fervents exécutent avec une vigueur extraordinaire, impressionnent profondément, mais cette impression a quelque chose de sinistre ; on sent qu’il n’y a qu’un pas de ces gémissements aux cris de mort contre les ennemis de l’Islam, les « chiens ». Nous sortons de là à moitié ahuris.

Le soir, les fanatiques qui devront représenter les « martyrs » à la grande procession, font une promenade aux flambeaux, armés de sabres et de gourdins. Ils agitent en mesure leurs flambeaux et leurs armes, criant en même temps à tue-tête : « Hussein, Ali, Hussein, Ali ». Les reflets rouges des torches, ici découpant les blanches silhouettes des maisons, là plongeant