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à la gloire. Bientôt la salle se trouva trop petite, et le Chat Noir, déménageant avec tous ses accessoires, vint s’installer dans un charmant petit hôtel de la rue Victor-Massé. Les murs se couvrirent d’objets d’art, de dessins et de fresques dues au pinceau délicat de Willette ; un suisse chamarré d’or fit retentir le vestibule du choc de sa hallebarde, et les garçons servirent les bocks revêtus de défroques d’académiciens, ce qui parut le comble de l’originalité. Une salle était réservée aux poètes, et tous les vendredis ils y tenaient leurs assises. La presse parla, les curieux affluèrent, et tout ce que Paris compte d’artistes et de littérateurs tint à venir dans ce temple de la bonne humeur

… gai comme un golfe,
Voir et complimenter Salis Rodolphe.

Maurice Mac-Nab fut vite l’idole de ce public sans cesse renouvelé, friand de nouveautés, et sa célèbre chanson de l’Expulsion des princes devint l’accessoire obligé de ces soirées. Il se consacra dès lors à la chanson, et sa verve satirique s’attaqua à tous les travers contemporains. Je ne crois pas me tromper en disant qu’il fut un des gros éléments de succès du Chat Noir ; on venait du fin fond de la province pour l’entendre. Il fallait le voir s’adosser au décor éblouissant de l’Épopée de Caran d’Ache, adresser un regard inquiet au piano, se frotter les mains d’un air timide, puis, se redressant soudain, clamer avec un zézayement inimitable cette injonction de l’anarchiste :

On n’en finira donc jamais
Avec tous ces N. de D. d’princes !

Ce qui le caractérise, c’est la recherche de la drôlerie dans les sujets qui en semblent le moins susceptibles. Quoi de plus invraisemblable que de faire rire à propos d’un pendu ? Mac-Nab résout le problème en plaisantant non le pendu, ce qui serait de mauvais goût, mais les braves gens qui sont autour.

Soufflez-lui de l’air dans la bouche :
C’est pas possible qu’il soit mort !


Il blague, il blague, mais toujours d’une façon si franche et si bon enfant, que personne de ceux qu’il blague ne songe à s’en formaliser. Il blague le conseil municipal, et ces messieurs du conseil viennent applaudir à qui mieux mieux