Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/142

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en eût au visage, non. Elle était jolie, fraîche, elle sortait des mains de la nature, pleine de ce charme précaire et éternel qu’un individu transmet à un autre pour les fins secrètes de la procréation. Telle était Virgilia avec son teint clair, très clair, sa grâce ignorante et puérile, sujette aux mystérieuses impulsions, sa paresse et sa dévotion, — sa dévotion qui n’était peut-être que de la peur, comme j’ai tout lieu de le supposer.

Voici, lecteur, en peu de lignes, le portrait physique et moral de la personne qui devait avoir plus tard une si grande influence sur ma vie. Oui, elle était cela même, à seize ans. Si tu lis ces lignes, ô Virgilia toujours aimée, ne t’étonne point du langage que j’emploie aujourd’hui, qui contraste avec celui que j’employai quand je te connus. Tu peux croire que l’un était alors aussi sincère que l’autre l’est maintenant. La mort a pu me rendre grincheux, mais non injuste.

— Mais, me diras-tu, comment peux-tu ainsi discerner la vérité de ce temps lointain, et l’exprimer ainsi après tant d’années ?

— Ah ! indiscrète, ah ! ignorante, mais c’est