Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/181

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le soleil aussi qui était dans ses bons jours de Virgilia aussi rirait sans doute, en entendant le récit de nos fantaisies. Et voilà que je perds mon verre de montre, que j’entre dans un magasin, le premier que je trouve sur ma route, et j’y rencontre le passé qui me déchire, qui m’embarrasse, qui m’interroge avec un visage couvert de cicatrices et de mélancolie.

Je le laissai où je l’avais trouvé. Je montai dans mon cabriolet qui m’attendait place S.-Francisco de Paula et j’ordonnai au cocher de partir au plus vite. Il cingla les mules, la voiture fit des soubresauts, les roues tracèrent leur sillon dans la boue formée par une pluie récente, et pourtant il me semblait que nous ne marchions pas. De temps à autre nous faisons connaissance avec un certain vent tiède et lourd, qui n’est ni violent ni âpre, qui n’emporte point les chapeaux et ne soulève pas les jupes, mais qui est pire que s’il faisait tout cela, parce qu’il abat, amollit et semble un dissolvant de l’âme. Ce vent, je l’avais en moi. Je sentais le courant d’air qu’il formait comme dans une gorge, entre le passé et le présent, désireux sans doute de