Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/346

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Son mari lui avait montré la lettre, dès qu’elle avait été rétablie. C’était un écrit anonyme, qui nous dénonçait. Il ne disait pourtant pas tout, et ne parlait point, par exemple, de nos rendez-vous. On se limitait à le prévenir contre notre intimité et à l’aviser des commentaires qu’elle soulevait. Virgilia lut la lettre avec indignation et s’écria que c’était une calomnie infâme.

— Calomnie ? insista Lobo Neves.

— Infâme !…

Le mari respira. Mais il reprit la lettre, et chaque parole semblait faire un signe négatif, chaque lettre protestait contre l’indignation de Virgilia. Lobo Neves, qui était d’ailleurs un homme énergique, devint en ce moment la plus fragile des créatures. Peut-être vit-il en imagination l’opinion publique le fixer d’un regard sarcastique ; peut-être une bouche invisible lui répéta-t-elle les railleries qu’il avait entendues ou prononcées naguère en semblable occurrence. Il insista auprès de sa femme pour qu’elle lui confessât tout, lui promettant un ample pardon. Virgilia comprit qu’elle était sauvée. Elle s’indigna contre cette insistance, jura