Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/41

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daient dans l’ambiance, et ce qui paraissait opaque était tout simplement diaphane. Dans ma stupéfaction, je ne dis rien, je ne poussai pas un cri. Mais au bout d’un instant, dans ma curiosité délirante, je lui demandai son nom.

— Je suis, comme il te plaira, la Nature ou Pandore. Je suis ta mère et ton ennemie.

En entendant ces mots, je reculai un peu, pris d’épouvante. La figure poussa un large éclat de rire, qui fit autour de nous l’effet d’une tempête. Les plantes se contorsionnèrent, et un long gémissement rompit le silence.

— Ne crains rien, me dit-elle ; mon inimitié ne tue pas. C’est au contraire par la vie qu’elle s’affirme. Tu vis : je ne te souhaite pas d’autre mal.

— Vis-je vraiment ? demandai-je en enfonçant mes ongles dans ma chair, pour me certifier de ma propre existence.

— Oui, ver de terre, tu vis. Ne crains pas de perdre ces haillons, dont tu t’enorgueillis. Pendant quelques heures encore, tu goûteras le pain de la douleur et le vin de la misère. Tu vis, dans ta folie actuelle, tu vis. Et si ta conscience se réveille un instant et reprend sa