Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/446

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substituer les brodequins trop étroits de ses soldats, et leurs lances trop légères ; et l’histoire ne jugea pas ces petits faits indignes d’être enregistrés. La hauteur de nos shakos devait être modifiée, au nom de l’esthétique et au nom de l’hygiène. Leur poids pouvait être fatal pendant les revues, sous l’ardeur du soleil. L’un des préceptes d’Hippocrate étant qu’il faut avoir la tête fraîche, il était cruel d’obliger un individu, pour une simple considération d’uniforme, à risquer sa santé et sa vie, et par conséquent l’avenir de sa famille. La Chambre et le gouvernement devaient se souvenir que la garde nationale était le soutien de la liberté et de l’indépendance, et que les citoyens appelés à un service pénible, fréquent, et qui plus est gratuit, avaient droit à ce qu’on leur donnât un uniforme léger et commode. J’ajoutai que la lourdeur du shako faisait courber le front des citoyens qui devaient au contraire l’élever avec fierté devant le pouvoir. Et je pérorai avec cette pensée : le saule, qui incline ses rameaux vers la terre, est l’arbre des cimetières ; le palmier, droit et ferme, est l’arbre du désert, des places et des jardins.