Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/494

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et aux malades, ni les récompenses que je reçus : je ne dis rien, absolument rien.

Peut-être l’économie sociale pourrait-elle trouver quelque avantage dans une démonstration de la supériorité d’une récompense subjective et immédiate sur une récompense étrangère. Mais ce serait rompre le silence que j’ai juré garder. D’ailleurs les phénomènes de conscience sont de difficile analyse. D’autre part, si j’en contais un, je devrais conter tous ceux qui s’y rapporteraient, et je finirais par écrire un chapitre de psychologie. Ce que je puis affirmer, c’est que ce fut la phase la plus brillante de mon existence. Les tableaux étaient tristes, ils étaient empreints de la monotonie du malheur, qui est aussi ennuyeuse que la monotonie de la jouissance, et peut-être encore davantage. Mais l’allégresse que l’on procure aux âmes des souffrants et des pauvres est une récompense de quelque valeur. Et que l’on ne dise pas qu’elle est négative parce que celui qui reçoit le bienfait est seul à en bénéficier. Non. J’en recevais le reflet, et si vif qu’il me donnait une excellente idée de moi-même.