Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/206

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rire. Ils ignoraient la sensation du temps, et le poids de l’oisiveté ; ils vivaient en contemplation. Le soir, ils allaient voir mourir le soleil, naître la lune, et comptaient les étoiles. Rarement ils arrivaient à mille ; le sommeil les prenait et ils s’endormaient comme deux anges.

Naturellement le Malin fut hors de lui, quand il apprit ce qui était arrivé. Il ne pouvait aller au Paradis, où tout lui était contraire, ni s’en prendre au Seigneur. Mais, entendant une rumeur, sur le sol, entre des feuilles sèches, il se retourna, et vit que c’était le serpent. Il l’appela en toute hâte.

— Viens ici, serpent, rampante méchanceté, venin des venins, veux-tu être l’ambassadeur de ton père, pour reconquérir les œuvres de ton père ?

Le serpent fit avec la queue un geste vague, qui paraissait affirmatif. Le Malin lui donna la parole, et il répondit que oui, qu’il irait où on l’enverrait ; jusqu’aux étoiles, si Satan lui donnait des ailes comme à l’aigle ; au fond de la mer, s’il lui apprenait à respirer sous l’eau ; au fond de la terre, s’il lui donnait les talents de la fourmi. Et il parlait, le méchant, il parlait