Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/222

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Au bout d’un mois, je devais partir, quel que fût l’état du malade. Le vicaire s’occupa de me chercher un remplaçant.

Vous allez voir ce qui arriva. Dans la nuit du 24 août, le colonel eut un accès de colère, me bouscula, me dit des mots crus, me menaça d’un coup de revolver, et finit par me lancer une assiette de bouillie qu’il trouva froide. L’assiette alla frapper le mur et se brisa en mille morceaux.

— Tu me paieras ça, voleur ! s’écria-t-il.

Il grommela encore pendant longtemps. À onze heures, il s’endormit. Pendant son sommeil, je pris un livre dans ma poche, une vieille traduction d’un roman de d’Arlincourt, que j’avais trouvée traînant, et je me mis à le lire, dans la chambre même, à une coudée du lit. Je devais réveiller le malade, pour lui donner son remède à minuit. Que ce fût l’effet de la fatigue ou du livre, je m’endormis avant d’avoir terminé la seconde page. Je me réveillai aux cris du colonel, et me levai en sursaut. Il paraissait en délire, continua de crier, et finit par m’envoyer la carafe à la tête. Je n’eus pas le temps de l’esquiver, et je la reçus en plein sur la joue gauche.