Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/33

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l’admiration universelle, ont rendu Emma représentative, parce que nous l’avons faite telle. S’il en était autrement, un écrivain de génie épuiserait un caractère, et tout au contraire un véritable cycle se forme autour d’un personnage, Don Juan, par exemple, qui ne se ressemble pas toujours à lui-même dans ses différents avatars. Montrer qu’un avare aime l’argent et un voluptueux les femmes, ce n’est pas une bien grande découverte ; il faut que nous voyions de quelle façon toute spéciale il garde l’un ou séduit les autres. Et la satisfaction artistique réside moins dans le plaisir de reconnaître un de nos semblables sous une étiquette générale, que dans les déductions qui nous permettent de conclure comment il agirait logiquement dans un cas déterminé.

Il n’y a pas de création sans vision directe, et il n’y a pas de vision directe sans cas particulier. Quiconque s’inspirerait de Molière ou de Balzac, pour refaire l’Avare, ne produirait qu’un plagiat ou une œuvre terne, à la façon des pseudo-classiques, qui s’étiolèrent dans l’abs-