Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/334

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donne donne s’il lui plaît ; la mort me console. Cette montagne est rude comme ma douleur ; ces aigles, qui passent, doivent être affamés comme mon désespoir. Mourrez-vous aussi, aigles divins ?

Prométhée. — Il n’y a plus de doute ; tous les hommes sont morts. La terre est nette de leur race.

Ahasvérus. — J’entends encore une voix : une voix humaine ? Cieux implacables, ne suis-je donc pas encore le dernier des humains ? Le voici… il s’approche. Qui es-tu ? J’aperçois dans tes grands yeux quelque chose qui ressemble à la lueur mystérieuse des archanges d’Israël. Ne serais-tu pas un homme ?

Prométhée. — Non.

Ahasvérus. — Tu es donc d’une race divine ?

Prométhée. — Tu l’as dit.

Ahasvérus. — Je ne te connais pas. Et qu’importe que je te connaisse ou non ? Tu n’es pas un homme : donc, je puis mourir. Je suis le dernier ; je ferme les portes de la vie.

Prométhée. — Comme l’antique Thèbes, la vie a cent portes : tu en fermes une ; les autres s’ouvriront. Tu es le dernier de ton espèce : une