Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en noz papiers ; et ne pensoy pas jamais avoir ce bien de le revoir. J’y fus fort assistée de Dieu qui se servit de feu M. de l’Aigle, l’un des premiers hommes de ceste profession.

Vers le commencement de l’an 84, s’offrit une autre occasion de ranvoyer M. du Plessis en France ; car j’eus ce malheur tout ce temps de ne le voir que par occasions, et la plus part périlleuses pour luy, pour la malice du temps et des affaires. Le Roy de Navarre eut divers avis des remuemens du Roy d’Hespagne et du duc de Savoye[1], par le moïen de la maison de Lorraine en France. Un capitaine Beauregard, dauphinois, le vint trouver qui lui descouvrit toutes les entreprises esquelles le duc de Savoye l’avoit employé sur le Dauphiné et Provence, nomméement une grande sur Arles, conduite par le capitaine Espiard. Un autre luy déclara les menées sur Orléans et sur Chaalons-sur Saône ; d’Hespagne, il sceut les pensions qui se distribuoit à plusieurs ; eust mesmes avis, de chés le viceroy de Valence, que la guerre estoit conclue contre la France. Et se ramentevoit là-dessus les propos de ceux qui avoient traicté pour le Roy d’Hespagne, que, s’il ne vouloit entendre à leur négotiation, leurs marchans estoient prestz. Il n’appella à ceste délibération que mons. de Chastillon[2] et monsieur du Plessis, et fut résolu qu’il ne faloit pas laisser perdre la France, qu’il faloit vaincre le Roy de devoir, et qu’il iroit luy déclarer

  1. Charles-Emmanuel Ier. Il avait succédé, en 1580, à Emmanuel-Philibert, son père ; il épousa, en 1583, Catherine, fille de Philippe II, roi d’Espagne.
  2. François de Coligny, fils de l’amiral, né en 1557.