Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/213

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forcer ; sy le dit duc taschoit d’avitailler Paris, prenant son chemin vers la porte St Antoine, le long de Marne et tirant au bois de Vincennes, que c’estoit un pays estroict, où un tel carriage auroit de la peur, et qu’attaquant la queue ou le milieu de l’armée ennemie, la teste ne pourroit retourner ; ce que touteffois Sa Majesté ne peut approuver, parce qu’on luy fit l’armée du duc de Parme plus puissante qu’elle n’estoit, et que les forces de M. de Turenne n’estoient encorres joinctes. La nuict particulièrement que S. M. se leva de devant Paris en attente de donner la bataille, il luy répéta souvent que le malheur des gens de guerre estoit de ne combattre pas quand ilz vouloient, et que le duc de Parme ne combattroit point, ce qui estoit contre l’advis commun ; et n’est à oublier que ceste mesme nuit, luy ayant donné charge d’aller tirer serment du régiment des Grisons[1] qu’il ne bougeroit du fort de Conflans quelque bruit de bataille qu’il ouyst, revenant à St Denis, il trouva le Roy tout seul en son lict, qui l’entendant, se leva en robe de nuict, s’enquit de ce qu’il avoit faict, puis luy demanda ses Psalmes, en leut quelques uns à propos de ce qui se présentoit, et luy commanda de faire la prière ; et est certain que le Roy estoit en anxiété et monstroit un cœur douloureux de ses fautes et avoit un grand recours à la miséricorde de Dieu.

L’histoire contera le surplus, et je ne m’arreste qu’à ce qui concerne particulièrement M. du Plessis. Depuis la bataille, tout ce temps qu’il fut près du

  1. L’un des régimens suisses.