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LA FOUX-AUX-ROSES

« Excusez notre indiscrétion, dit cette dernière d’un ton aimable, voilà une enfant qui, depuis qu’elle est venue ici, me supplie de l’y ramener et m’affirme que vous ne lui refuserez pas la permission de voir votre gentille nièce de temps en temps. J’ai d’abord résisté parce que je craignais de vous importuner, mais une terrible maladie a failli m’enlever à mes chers enfants et je deviens pour eux d’une faiblesse…

— Cela se voit, madame, répliqua la tante d’Irène qui s’était contentée de répondre par une révérence assez raide au salut de ses visiteuses, mais je ne peux vous en blâmer, non vraiment, tout le monde ne possède pas autant de fermeté que moi !… Si elle était là, ma gentille nièce, comme vous l’appelez, pourrait vous dire que je ne plaisante pas avec ses caprices de petite fille. »

En entendant ces paroles que la tante Dor accompagnait d’une mine rébarbative, Nadine se laissa tomber sur une chaise que Marie-Louise lui offrait et demanda d’un ton piteux :

« Irène est donc punie ?

— Hum ! punie, c’est beaucoup dire… non, je l’ai seulement envoyée passer quelques jours à Antibes sous la conduite d’une personne de confiance qui m’a promis de la bien soigner et de lui procurer quelques petits plaisirs.

— La pénitence est douce, fit observer en riant Mme Jouvenet.

— Et Irène doit être très contente, ajouta naïvement Nadine.

— Contente, oui, oui, fit Mlle  Dorothée dont l’émotion adoucit la voix, contente de s’éloigner d’une vieille tante grognon et d’une demeure ennuyeuse pour aller rire ailleurs ; vous en savez long là-dessus, fillette, car il me parait que mon ingrate vous a fait ses confidences… ne me les répétez pas, c’est trop pénible d’entendre dire qu’elle est heureuse de me quitter. »

D’un brusque mouvement, la tante d’Irène porta une main à ses yeux comme pour refouler des larmes prêtes à jaillir.

Nadine hésita, regarda sa mère, puis, s’approchant sur la pointe des pieds, porta doucement à ses lèvres l’autre main de Mlle  Lissac qui tressaillit :

« Pardon, madame, dit-elle à sa visiteuse, je deviens aussi sotte que ma nièce, mais vous devez me comprendre… une enfant que j’ai élevée…

— Et qui vous rend sincèrement votre affec-