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MICHEL ANTAR

Blanche et riante, à l’ombre de ses plantations, Aïn-Sefra (littéralement : la source jaune), se dresse au milieu d’une nature triste et tourmentée. Elle se cache entre deux sommets très élevés de la chaîne des Ksour : le djebel Mekter (1 915 mètres d’altitude), au Sud ; au Nord, le djebel Aïssa (1 800 mètres, dont la cime reste, par le télégraphe optique, en communication avec Méchéria, le Kreider et Géryville, d’un côté ; de l’autre, avec ses avancées vers Figuig.

Une prison tout de même, Aïn-Sefra, malgré le charme de son abord ; mais une prison où l’on peut se croire en sûreté.

Elle forme trois groupements distincts.

D’une part, le village primitif arabe, ou ksar. Il doit son origine aux enfants d’un marabout fameux dans le Sud-Oranais à la fin du XVIe siècle. C’est un amas serré de maisons plus ou moins délabrées qui émergent de jardins d’où s’élancent, parmi les arbres fruitiers, les aigrettes de quelques palmiers.

La Redoute et le Camp composent une seconde réunion de bâtiments : subdivision ; logements pour les officiers ; un cercle militaire aux murs très agréablement badigeonnés de fresques (on peint beaucoup dans les postes du Sud), avec grand jardin plein d’ombre, délicieux en ce pays à température estivale très élevée ; casernes, parmi lesquelles deux tout à fait récentes, de style oriental ; écuries, magasins ; enfin tout ce qui constitue une ville militaire.


Ksar d’Aïn-Sefra.

En dernier lieu, le village européen, étendu entre la gare et la Redoute : une large rue coupée d’une couple de petites rues transversales.

La curiosité certaine d’Aïn-Sefra, ce sont ses dunes — « la dune », comme on dit — semblables à celles de l’Erg ou du Sahara. Une colossale chenille qui rampe sur une longueur de quinze kilomètres au pied du massif du Mekter, et dont les reflets dorés tranchent étonnamment sur le fond sombre de la montagne. « Rampe » est bien le mot qui convient à cette dune toujours en mouvement, grâce aux vents qui soufflent vigoureusement dans ce couloir étroit. Si l’on n’y avait pris garde, ses sables eussent recouvert Aïn-Sefra. Mais le bureau arabe veillait. Il sut arrêter la dune au moyen de clayonnages, de fumiers amassés et de semis sans cesse renouvelés. Et la chenille vaincue « n’alla pas plus loin ». En signe de victoire, le bureau arabe s’édifia un palais à la limite même qu’il lui avait assignée, se dessina des jardins sur les terrains reconquis.

La dune possède la propriété particulière de « fumer ». Lorsque, du village, on aperçoit au-dessus de la chenille une légère buée de