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EN FINLANDE

semblaient les passants sur les chemins et carrefours avoisinant les plantations.

On devine le résultat. D’innombrables maraudeurs vinrent dévaster, chaque nuit, les champs qui n’étaient gardés que pendant le jour, et c’est avec des larmes de joie que l’excellent Parmentier reçut les rapports qu’on vint lui faire de tous côtés, sur le pillage scandaleux dont ses champs de pommes de terre étaient le théâtre.

Éd. Grimard.

(La suite prochainement.)


EN FINLANDE

(SOUVENIRS D’UNE JEUNE FILLE)

II


Les jours s’écoulaient paisibles. Je m’étais vite accoutumée à la monotone régularité de la vie de pension et je ne songeais pas à m’en plaindre.

Chaque semaine, me venait de la maison paternelle une lettre débordant d’affection, de conseils et de tendres avis de ma bonne mère. Si occupé qu’il fût, mon père trouvait presque chaque fois le temps d’y ajouter un mot. Longue missive et petit billet me ravissaient également, et même les informes gribouillages de ma petite Elsa. Il y avait tant à me dire sur tout ce qui se passait chez nous, car je n’oubliais rien ni personne.

Tous les dimanches, partait ma réponse, pleine de minutieux détails sur ce que je faisais, voyais, apprenais. Et, comme de juste, les faits et gestes du quatuor y jouaient un grand rôle. Plus nous nous connaissions, Hanna, Aïno, Sigrid et moi, plus nous nous aimions ; du même âge, et à peu près de même force, nous luttions sans pitié aux heures de classe pour ne pas nous laisser dépasser les unes par les autres, notre amitié n’excluant pas les franches rivalités scolaires.

Le quatuor, mon père nous avait bien nommées. Attirées d’instinct par des affinités mystérieuses, nous nous complétions, et, pendant les récréations, toute rivalité cessant, nous nous entr’aidions. Hanna et Sigrid étaient de petites espiègles, d’une extrême vivacité, que leur nature primesautière entraînait souvent au delà des limites permises. Au contraire, Aïno était très calme, très sage, d’une prudence sans pareille, d’un jugement au-dessus de son âge. Pour moi j’avais une ténacité peu ordinaire chez une fillette de treize ans et une certaine réserve me restait de mon éducation première. La sagesse d’Aïno me plaisait, mais les saillies de Hanna me ravissaient, et les éclats de rire de Sigrid étaient communicatifs comme nul autre.

Tout semblait concorder pour nous lier davantage. Les mêmes livres nous avaient égayées ou émues, les mêmes leçons nous passionnaient, et c’était à qui de nous témoignerait le plus d’affectueuse reconnaissance à notre chère maîtresse, cette Mlle Mathilde qui m’avait tellement effrayée le premier jour et qui était pleine de bonté et de douceur, quoique sa main fine tînt ferme les rênes du gouvernement de notre classe.

Avec quelle rapidité s’écoulaient les semaines et les mois.

Le matin, levées, habillées de bonne heure, lestées de ce substantiel déjeuner des pays froids, nous nous trouvions, dès huit heures moins vingt, au pied de l’escalier de la salle d’études encore fermée. Externes et pensionnaires babillaient à qui mieux mieux. C’était le moment des confidences, des questions, des nouvelles du dehors. On n’ouvrait les portes de la classe qu’à huit heures et il y avait tant de curiosités à satisfaire. Ne fallait-il pas, de toute nécessité, savoir si Hélène avait terminé son devoir de géographie, si Grétel avait pu trouver dans le dictionnaire tous les mots de sa version de français, si Maya avait bien appris sa leçon d’histoire et