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EN FINLANDE

entré dans la salle. De jeunes sous-maîtresses ont mission de maintenir l’ordre ; mais l’habitude est si bien prise qu’elles ont bien rarement à élever la voix. La même ardeur apportée au jeu est mise dans l’accomplissement de ses devoirs, chez cette nation consciencieuse, habituée très jeune au raisonnement.

À dix heures, nouvelle interruption, celle-ci plus importante. Les externes s’en vont chez elles, les pensionnaires ont leur déjeuner qui les attend.

À midi recommencent les études.

Voulez-vous que nous assistions à une leçon d’allemand dans la première classe, par exemple ? Tous les regards sont fixés sur un grand tableau colorié que le professeur vient d’accrocher au mur. Le professeur, une jeune fille qui a séjourné deux ans à Hanovre pour acquérir un bon accent et qui a passé nombre d’examens, demande en allemand :

« Que représente cette image ? »

Les élèves qui se sentent capables de répondre à cette question lèvent la main, bien vite. Elles sont toutes anxieuses de montrer leur science. La maîtresse, Mlle Maria, désigne l’une d’elles :

« Parlez, Fredrika ; dites-nous ce que vous savez à ce sujet. »

Et Fredrika s’empresse :

« L’image représente une maison de paysans. C’est le soir, nous sommes en hiver, etc., etc. »

Mais Fredrika a fait des fautes et plusieurs de ses compagnes s’en sont aperçues. Fautes de prononciation, solécismes, erreurs quelconques, tout est relevé avec soin, expliqué, commenté, Mlle Maria provoquant les demandes et prodiguant les explications. La phrase enfin correcte, Fredrika doit la répéter en entier, la prononciation devenant alors le point principal et chaque élève répétant tout bas les intonations de Mlle Maria pour tâcher de « se les mettre dans la tête » dans l’oreille plutôt, devrait-on dire en langage écolier.

Mlle Maria passe alors à une autre élève :

« Faites-moi la description de cette chambre, Elli ? continue-t-elle, en allemand, bien entendu.

— La chambre est sens dessus dessous », répond Elli, une blondine potelée aux joues rondes pleines de fossettes.

Mlle Maria ne s’attendait guère à cette réponse, mais, riant de sa naïveté, elle ne peut s’empêcher de constater que Elli a raison. Il se trouve sur l’image des objets hétéroclites jetés pêle-mêle sur le plancher, et entassés dans le but exprès d’enseigner aux élèves des noms de choses usuelles.

Poupée, brosse, bottines, boîtes, jouet ; chacun de ces objets devient tour à tour le sujet de demandes et de réponses.

Mlle Maria est un vivant dictionnaire et tous les mots qui leur sont inconnus, les élèves attentives les notent à mesure sur leurs carnets pour les apprendre à loisir. Ainsi comprise, l’heure d’étude passe vite, sans fatigue, toujours intéressante et variée. C’est étonnant combien s’enrichit, en une seule fois, le vocabulaire des petites écolières. À la fin de la leçon, Mlle Maria relit à haute voix tous ces mots nouvellement appris et les fait prononcer à chacune à tour de rôle. On a juste fini lorsque la cloche appelle les studieuses petites filles dans la cour. C’est encore une récréation. Elle se passe en plein air. Il fait si beau, il faut profiter d’un rayon de soleil. Sur la neige légèrement durcie, les diamants ruissellent, les sapins ont des pendeloques de givre scintillantes comme des bijoux de prix. Les fillettes sont peu sensibles aux beautés de la nature : mais, en tous pays, la neige a tant de charme pour les enfants. En Finlande, pendant les longs mois d’hiver, on patine, on fait des promenades en traîneau, des maisons de neige, que sais-je !

Ce jour-là, ce sont des boules de neige, activement jetées. Les espiègles prennent même pour cible M. Olan, professeur d’histoire, un bon vieux monsieur à barbe blanche et à lunettes, que les pensionnaires appellent « Papa » et qui est un vrai grand-père pour toutes.

M. Olan ayant eu le malheur de traverser la cour pendant que ses élèves s’amusent, transformées en vaillants guerriers, reçoit une avalanche de munitions qui s’effritent