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POUR L’HONNEUR

ils eurent le malheur de le perdre, ses enfants, déjà orphelins de leur mère, héritèrent de plus de douze cent mille francs de rente chacun. La pauvre marchande de fleurs se nommait François ; c’était notre grand’mère. L’infatigable travailleur se nommait François ; c’était notre père. Ni princes, ni même d’Amboise, comme vous voyez… Et maintenant, merci mille fois à tous de nous avoir aidés à accomplir un acte de charité qui constitue un vœu de notre part. Les marchandes de fleurs sont sacrées pour nous, surtout quand elles sont vieilles, en mémoire de notre aïeule, et nous cherchons à faire pour elles ce que la mère d’un gentil baby a fait jadis pour nos parents… Nous partons demain. Ayez la bonté de garder de nous un peu de l’excellent souvenir que nous vous conserverons. »

Ce petit discours fut accueilli diversement. Le diplomate, interloqué par un sourire narquois de Mlle d’Almaviva, s’éclipsa à l’anglaise. La comtesse de Colaho regretta ses deux francs. Les misses de Londres et de New-York se levèrent comme un seul homme pour remettre leur carte à Annette et lui demander sa photographie. M. Saturnin, placé près de la porte, se mordait les lèvres de fureur. Le notaire pleurait tout simplement. Quant au plus grand armateur du monde, il traversa le salon comme un boulet de canon et tomba sur Michel pour lui demander la main de sa sœur.

Henriette Mathieu, perdue dans son rêve, n’avait ni bien entendu, ni bien saisi le récit de Mlle François ; pour elle c’était toujours une fée ou quelque chose d’approchant. Aussi, quand elle resta seule avec Annette et Michel, elle se leva et, bien timidement, elle dit :

« Voulez-vous me permettre de vous embrasser, madame la princesse ?… Et demain je vous mènerai les petiots à la gare… Je les débarbouillerai bien… Que la bénédiction d’une pauvre vieille grand’mère vous accompagne toujours… »

De Granvelle.

POUR L’HONNEUR

Par P. PERRAULT

CHAPITRE XIII


Pierre s’était arrêté au milieu de l’allée, à la place même où il avait rencontré le facteur, et, après avoir glissé dans sa poche les prospectus de tout genre que ce dernier lui avait remis, il ouvrait, bien surpris, la lettre qui y était jointe.

Cette lettre était de Marc.

Marcenay ne l’attendait nullement, ayant pris les derniers mots de son ami pour une boutade lancée en manière de protestation contre l’exigence un peu tyrannique de sa mère.

Qu’est-ce que le comte de Trop pouvait bien avoir à lui dire de si pressé que cela ne souffrît pas même le retard de sa très courte absence ?

Et, inquiet, sans s’expliquer pourquoi, Pierre ouvrait sa lettre et la parcourait à la hâte, cherchant, au travers de ces longues pages, — elle en comptait huit, — quelque passage saillant qui la résumât…

Greg l’aborda au moment où ses yeux rencontraient cette phrase : « Dis à ma cousine ce que tu jugeras devoir le mieux me servir… À présent que cette espérance est entrée dans ma vie, je serais horriblement malheureux s’il me fallait y renoncer. »

« Monsieur, annonça Greg, bonne maman et Mlle Gabrielle vont bien — il ne disait Gaby qu’avec l’oncle Charlot, — elles seront très heureuses de vous voir : seulement, il vous faut y aller ce matin, parce que, cet après-midi, elles seront à Chalon : M. Lavaur envoie sa voiture les chercher.

— Très bien ! répondit Pierre, sans quitter sa lettre des yeux. Toi, mon enfant, va tenir