sement quelqu’une des opérations favorites du terrible savant. Debout au milieu du laboratoire, le docteur Silence regardait aussi, et dans ses yeux affleurait son âme, uniquement captive des théories.
— Je dis que je suis nietzschéen, pratiquement nietzschéen, affirma le chirurgien. Le fort doit manger le faible, ce qui revient à dire que le faible doit livrer au fort la partie de sa substance susceptible de l’améliorer ou de le compléter. Pourquoi, aux races débiles et malingres, la nature a-t-elle concédé plus d’intelligence et de ruse ? J’affirme que la force matérielle y avait autant de droits et qu’il est bon de l’en doter aux dépens du faible. La nature, docteur Clodomir, est une puissance inconsciente qui veut la vie universelle ; notre rôle, à nous, est de la vouloir restreinte et sélectionnée. Pensez-vous que cet animal, somme et fusion de deux spécimens de valeur différente, ne vaille pas davantage ? Réunis, un et un ne font pas deux ou, si vous préférez, deux vaut plus que un et un.
Il ajouta, avec un soupir, en caressant la bête :
— Mais, ceci vaut-il l’autre expérience ?… Ah ! si les hommes savaient… et voulaient !
Changeant de ton et glissant vers son compagnon un regard craintif et gêné, il murmura :
— Pensez-vous quelquefois à… au malheureux ?
D’un geste précis, le docteur Clodomir écarta cette préoccupation inutile.
— Moi, insista le professeur Fringue, son souvenir m’obsède.
Il tourmenta son menton et ajouta peureusement :
— Ne croyez-vous pas qu’il aurait le droit de nous maudire ?
— Peuh… firent les lèvres ironiques du jeune savant, en s’avançant dédaigneusement.