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liv. ier.
AGRICULTURE : ENGRAIS.

repiqués et les recouvrir en refermant le trou du plantoir.

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§ v. — Des engrais liquides.

Le sang et l’urine des divers animaux, la gélatine en solution visqueuse, les oléates, stéarates et autres sels gras dissous et accompagnés de matières organiques en solution ou suspension émulsive, les matières plus ou moins fluides extraites des intestins, et en général tous les liquides chargés de substances organiques, mis dans les circonstances atmosphériques où leur décomposition s’opère rapidement et en contact avec les jeunes plantes, fatiguent d’abord ou altèrent leurs faibles organes, puis bientôt, presque complètement dissipés, ne sauraient plus contribuer au développement ultérieur des végétaux échappés à l’énergie trop forte de leur première action.

Cependant, tous ces liquides, sans exception, ceux mêmes qui sont le plus chargés des substances le plus rapidement altérables, peuvent, dans des circonstances données, constituer d’excellens engrais ; nous allons en citer quelques exemples frappans.

Étendus d’eau au point de contenir seulement 4 à 5 millièmes du poids total de substances organiques sèches, puis employés en abondantes irrigations, tous peuvent déterminer des effets extraordinaires sur la rapidité des progrès de la végétation ; mais, à défaut d’irrigations économiquement pratiquables, ils exigeraient souvent des arrosages trop dispendieux.

C’est ainsi que les eaux savonneuses et ménagères, mêlées aux liquides écoulés de plusieurs boucheries, des étables très-nombreuses et des lessives d’une foule de buanderies dans deux villages populeux près de Paris, entraînées d’abord par une faible source dans les rigoles d’un vaste jardin maraîcher, y produisent des récoltes plus que doubles de celles obtenues ordinairement dans cette petite culture ; dirigées ensuite dans une prairie naturelle, dont elles recouvrent à volonté successivement toutes les parties, elles donnent lieu à 5 coupes des plus abondantes, dans un sol qui n’en permettait qu’une autrefois.

J’ajouterai que la plupart des eaux naturelles contenant des proportions notables de matière organique, comme celles que j’ai rencontrées en analysant l’eau d’un puits foré rue de la Roquette, et comme le démontre encore la composition reconnue par M.  Chevreul de l’eau des puits forés à Tours ; ces eaux, dis-je, employées en irrigations, offriraient elles-mêmes un aliment à l’accroissement des plantes.

Si l’on se rappelle, en effet, que diverses plantes peuvent exhaler chaque jour dans l’atmosphère plusieurs fois leur poids de vapeur d’eau, retenant dans leurs tissus, soit assimilées, soit interposées, presque toutes les matières non volatiles qui y étaient dissoutes, on concevra l’influence notable de quelques 10 millièmes de ces substances solubles sur leur poids après une végétation de plusieurs mois.

Les riches cultures des Flamands et des Belges démontrent le parti avantageux que l’on peut tirer des engrais azotés fluides plus ou moins étendus d’eau[1]. Voici comment on les obtient et on les emploie dans cette contrée :

Des réservoirs en maçonnerie citernés (fig.55), sont construits le plus à portée possible pour recueillir les urines des étables, les vidanges des latrines, et, d’un autre côté, près des chemins qui conduisent aux champs en culture. Ces matières mélangées ainsi et conservées dans ces sortes de vases clos, enterrés sous le sol, sont à l’abri des plus fortes causes de leur fermentation, c’est-à-dire de l’accès de l’air et de l’élévation de la température. Lorsque l’on veut s’en servir en arrosages, on en tire une portion que l’on étend de 5 à 6 fois son volume d’eau, puis on emplit des tonneaux avec ce mélange que l’on répand sur les terres en le laissant couler, soit par un tube percé de trous, si le liquide est déposé, soit sur une planche lorsqu’il est très-trouble (fig. 56 et 57).

On arrose ainsi les champs ensemencés et les prairies récemment fauchées. La force végétative imprimée par cet engrais aqueux, bien que de peu de durée, peut avoir une grande influence ; car la terre, une fois re-

  1. On trouve dans l’excellent ouvrage : l’Agriculture de la Flandre, par M.  Cordier, tous les détails de ces pratiques agricoles perfectionnées.