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AGRICULTURE : ANIMAUX NUISIBLES.


gueur sur une et demie de largeur. Il se pose sur les grains de blé pour y pondre, mais il ne les ronge aucunement en son état complet ; il dévorerait plutôt alors ses semblables que d’y toucher, et même il attaque en cet état les teignes du blé devenues papillons ; cependant ce ténébrion est vorace de mie de pain.

Si l’on empêchait la Cadelle en larve de s’attacher aux murs et aux planchers des greniers, elle ne pourrait trouver les localités propres à sa transformation et périrait, selon la remarque du même naturaliste. Les poules sont si friandes de ces bestioles, disait Olivier de Serres, qu’elles mangent ces animaux-là jusqu’au dernier, ne touchant au blé tant qu’ils durent.

Parmentier, qui avait observé la cadelle, mais non l’insecte parfait, a vu qu’elle se sert de ses deux crochets abdominaux pour s’accrocher et se suspendre, ou pour se défendre contre d’autres cadelles ; c’est donc une espèce insociable ; on croit même qu’elle attaque les fausses-teignes et les larves des alucites ou celles des charançons du blé ; en ce sens, elle serait moins à redouter[1].

On s’est aperçu que cette larve et l’insecte cherchant la chaleur, viennent jusque dans le lit des personnes qui couchent près des greniers a blé, et qu’ils mordent même vivement le corps de l’homme ; toutefois il n’en résulte aucun accident.

§ IV. — Hannetons, Vers-Blancs ou Mans.

L’abondance, malheureusement trop commune, de ces scarabéides, nous dispense de les décrire. De tous les insectes herbivores, ce sont peut-être les plus funestes par leur voracité. À l’état de larves, ce sont ces gros vers-blancs souterrains qui rongent pendant deux, ou même jusqu’à quatre années consécutives, les plus tendres racines des plantes et les plus dures des arbres. Pendant l’hiver, ces larves, ramassées et s’enfonçant profondément ensemble, vivent à demi engourdies et sans manger, mais, remontant au printemps, elles dévorent tout sous terre dans les temps chauds ; puis, se transformant en nuées immenses, ces coléoptères, après leur noviciat inférieur, viennent ravager le feuillage de tous les végétaux.

Les espèces diverses de hannetons, outre le vulgaire, sont aussi nombreuses que dévastatrices. Engourdis, pendant le jour, dans la chaleur et la sécheresse, à peine le soir arrive qu’ils s’élancent étourdiment (leur nom vient, dit-on, de ala et tonus, ale-ton, à cause du bruit de leurs ailes) et s’entre-heurtant, se culbutant, mâles et femelles, vont rongeant et s’accouplant lourdement, inconsidérément ; leur accouplement dure vingt-quatre heures environ ; le mâle est plus petit que la femelle, et il succombe bientôt sans manger et traînant après cet effort. La femelle dépose ses œufs, d’un jaune clair et un peu alongés, dans la terre qu’elle creuse en la fouillant de ses pattes de devant, jusqu’à un demi-pied de profondeur ; elle périt ensuite. Six semaines après, il éclôt des vers d’un blanc sale ; ces larves molles, ridées, à six pattes, à tête grosse et écailleuse, à treize segmens, sont détestées des jardiniers sous le nom de vers-blancs ou mans ; ils vivent ainsi enterrés pendant trois à quatre années, se changeant alors en nymphe pour devenir hannetons.

Dans leur état de larve, pour passer à celui de nymphe, elles se construisent sous le sol une case unie, tapissée de fils de soie et de leurs excrémens ; ramassées en masse globuleuse, et se gonflant, elles perdent leur peau pour prendre l’enveloppe de nymphe, sous laquelle se dessinent déjà toutes les parties de l’insecte parfait. Dès le mois de février, le hanneton déchire cette coque ou enveloppe et en sort encore mou, humide ; il passe en cet état quelque temps pour se fortifier, puis, à l’approche des beaux jours, invité par la chaleur, il s’élance de ces limbes souterraines ; le contact de l’air le raffermit et colore sa robe à l’état parfait.

Tels sont les dégâts causés par ces insectes qu’ils suffisent en peu de jours pour dépouiller les forêts de leur verdure. C’est au point qu’ils deviennent un véritable fléau ; jardins, vergers, pépinières, prairies, moissons, pommes-de-terre, betteraves, tout est dévasté par leur voracité. Il s’est élevé de tous côtés un cri d’alarme ; les jardiniers, les maraîchers sont ruinés ; voyez surtout les arbres et les plantes d’ornement, dans les terres de bruyère qu’attaque le ver-blanc, et les terrains les mieux peuplés et ameublis ; ces précieuses cultures deviennent le théâtre de prédilection pour les ravages des hannetons ; ils y viennent pondre de toutes parts. Les jardins d’agrément, les végétaux les plus délicats sont le plus horriblement maltraités ; les arbres à fruit saccagés dans leurs racines restent deux années sans produire. Dans notre climat, les hannetons sortent hors de terre en légions infernales à la mi-avril ; ils s’accouplent une ou deux semaines après ; leurs œufs éclosent au bout de vingt à trente jours. La première année, le ver blanc cause des dégâts moins sensibles, mais la seconde année, il s’enfonce au mois de juin pour changer de peau : il remonte ensuite affamé et dévorant jusqu’aux piquets de bois, à défaut de toute racine. Le froid qui le force à s’enfoncer de nouveau, en octobre, le laisse ensuite reparaître la troisième année, pour commettre des ravages incalculables ; car il est devenu plus fort et plus vorace jusqu’à sa transformation.

Malgré de nombreux ennemis qui s’engraissent aussi de ces vers-blancs, comme les taupes, les hérissons, les rats, et plusieurs oiseaux, tels que les corbeaux qui les déterrent avec plaisir, il en reste toujours trop, car ils se multiplient d’autant plus que les cultures sont plus riches. C’est pour cela qu’ils font le désespoir des plus opulentes récoltes du jardinage.

Les meilleurs moyens de destruction du ver-blanc consistent : 1° à recueillir avec soin, au moment du labour et des binages, toutes les larves mises à découvert ; 2° à garnir pendant toute la belle saison, de plants de sa-

  1. Parmentier, Traité théorique et pratique sur la culture des grains, tom. 2, p. 355 et suiv.