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chap. 2e.
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MOYENS D’APPRÉCIER LES QUALITÉS DES SOLS.
solide qui la fasse résister aux efforts de l’air agité et de quelques autres agens extérieurs ;
3o À conduire l’eau, les solutions alimentaires et stimulantes vers les extrémités spongieuses des racines qui les entraînent dans les conduits séveux, au fur et à mesure que les feuilles et les parties herbacées exhalent dans l’atmosphère l’excès d’humidité ;
4o Et réciproquement, le sol reçoit en réserve l’humidité atmosphérique condensée par les feuilles, et qui compense la déperdition trop considérable éprouvée durant les sécheresses ;
5o À emmagasiner, durant la journée, la chaleur des rayons solaires pour rayonner la chaleur à son tour, pendant les nuits, en plus grande abondance qu’elle n’en reçoit alors : c’est ainsi que se forme un milieu tempéré, dans lequel les plantes sont soustraites à de trop brusques variations de température ;
6o À entretenir l’excitation électrique qui contribue au développement des plantes ;
7o À fournir à l’eau de très-minimes parties de sa propre substance, et notamment de sels calcaires qui, ne pouvant suivre l’eau lorsqu’elle se volatilise dans l’air, restent interposés dans le tissu des végétaux ;
8o À offrir aux détritus végétaux, restés après les récoltes, et aux divers autres engrais organiques répandus à dessein, les circonstances d’humidité et de chaleur qui favorisent leur décomposition, en même temps que la porosité du sol retient une partie des gaz nourriciers résultant de cette altération spontanée.

On voit par ces données, conformes à la théorie comme à la pratique, que l’épuisement du sol n’est jamais à craindre toutes les fois que l’on peut lui rendre la faible proportion d’amendemens, de stimulans et d’engrais que les récoltes lui enlèvent, et que les jachères peuvent être supprimées dans toutes les localités qui ne seront pas inaccessibles aux agens de la fertilisation.

Section viii.Moyens d’apprécier les qualités des sols.

Les propriétés et l’apparence physique peuvent servir très-utilement à apprécier les qualités des sols ; nous citerons aussi les indices que l’on peut tirer des plantes qui croissent spontanément ; enfin nous indiquerons les réactions chimiques qui permettront de faire facilement l’analyse des terres.

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§ Ier. — Par l’aspect et les propriétés physiques.

Une terre brune ou de couleur jaune, et divisée, offrira les 1ers indices de fertilité. À quelques centimètres, elle devra être assez humide et tenace pour s’agglomérer sous la pression des mains, et redevenir pulvérulente ou facilement divisible entre les doigts.

Au 1er aspect, on peut souvent reconnaître un sol de mauvaise nature, lorsque, par exemple, les parties sableuses ne contractent aucune adhérence entre elles, ou qu’au contraire, fortement plastiques, elles présentent de très-larges crevasses durant les sécheresses, ou se couvrent d’eau pendant les pluies, et adhèrent très-fortement aux pieds comme à tous les ustensiles aratoires.

L’aspect particulier aux sols trop argileux, ou trop sableux, ou meubles et offrant les conditions physiques utiles, se dénote en général très-bien après le 1er labour et le 1er hersage. Ainsi la terre argileuse humide reste en mottes ou tranches consistantes, comme l’indique la fig. 37, et en sillons informes.

Le sol sableux est alors, au contraire, pulvérulent, en grains sans adhérence, offrant à peine des traces de sillons, comme on l’a indiqué dans la fig. 38.

Le sol meuble et la terre bien amendée, contenant des débris organiques, offrent, dans les mêmes circonstances, une forme moins pulvérulente ; ses parties adhèrent légèrement entre elles, en sorte que les sillons y restent largement tracés, comme on le voit dans la fig. 39.

En décrivant plus haut les propriétés physiques les plus importantes, nous avons donné les moyens de les constater. A. Payen.

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§ II. — Par l’inspection des végétaux qui croissent spontanément sur le sol.

Cette partie de nos connaissances est encore fort peu avancée, et probablement elle parviendra difficilement au degré d’exactitude et de précision nécessaire pour qu’on puisse lui accorder la confiance que méritent les analyses. Depuis que Linné en a réuni les premières notions, plusieurs botanistes et agronomes y ont joint le fruit de leurs observations ; mais, à mesure que l’on recueillait des faits, les exceptions se présentaient en plus grand nombre.

La sécheresse, l’humidité, la hauteur des sols, les abris et l’ombrage ont une si grande influence sur la station des plantes, que la nature même de la terre semble perdre tout-à-fait la sienne vis-à-vis de beaucoup de végétaux. Ainsi, une terre peu élevée au-dessus au niveau de la mer produit des plantes fort différentes de celles qui croissent sur une terre de même nature, mais placée à quelques centaines de toises plus haut. Si un sable sec et aride, qui produit à peine quelques Bruyères, quelques Véroniques et quelques Canches, vient à recevoir une humidité permanente, ces plantes disparaîtront pour faire place à des Laiches, à des Scirpes, des Scrophulaires, des Lysimachies, des Linaigrettes,