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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DES PLANTES ECONOMIQUES.


il est très-essentiel d’éviter tout ce qui peut non seulement faire mourir la plante, mais encore lui occasioner des blessures : « Il faut mettre la betterave fraîche en fosses et aussitôt son arrachement, sans s’inquiéter quelle soit humide ou non ; car l’essentiel est qu’elle ne reçoive pas, de la chaleur du soleil, ce commencement d’altération qui est le germe de la maladie qu’elle emporte dans les conserves ; si on ne peut le faire, il faut du moins couvrir les monceaux avec des feuilles, afin d’éviter une partie du mal. Il faut éviter de mettre en fosses les racines trop sèches ou trop humides : trop d’humidité fait pousser, c’est un mal léger ; trop de sécheresse, joint aux autres circonstances qui se rencontrent dans les fosses, peut faire mourir et par suite pourrir ; on pèche plus souvent par excès de sécheresse que par excès d’humidité. Il faut craindre la chaleur dans les fosses ; car en même temps qu’elle favorise la pousse, elle est aussi une cause très-puissante d’altération ; l’humidité, au contraire, favorable à la pousse, ne contribue pas à l’altération ; il vaudrait mieux un peu d’humidité et le moins possible de chaleur. On doit travailler aussitôt l’arrachage les betteraves provenant de terrains fortement fumés et conserver celles des champs moins engraissés. Il ne faut pas trop bien nettoyer les racines destinées à être mises en fosses, parce qu’on leur fait alors des blessures, des contusions, des froissemens qui ont des dangers, tandis que la terre, qui reste adhérente, n’a d’autre inconvénient que de coûter un peu de transport. En résumé, les betteraves que l’on veut conserver doivent être, autant que possible, récoltées par un temps froid, ni trop sec, ni trop humide, mais plutôt humide que sec.»

Quant à l’époque la plus favorable pour la rentrée des betteraves, d’après les mêmes principes, elle doit avoir lieu le plus tard possible ; cependant la gelée vient mettre un terme à ces retards ; mais généralement on ne croit pas avoir assez de latitude et l’on rentre trop tôt. C’est ainsi que les savans agronomes que nous venons de citer, pensent que des betteraves dont le jus pèse 7 degrés Baumé, peuvent sans danger subir une gelée de 5 à 6° cent. à l’air, et de 6 à 7° en monts couverts ou avant d’être déplantées ; que, par conséquent, on peut différer de rentrer les racines qu’on destine à la conservation, sous le climat de Paris, jusqu’au 22 novembre, époque où, pendant 18 années d’observation, il n’a gelé qu’une seule fois à 5° cent. au dessous de 0°. Ils ont constaté que les betteraves exigent un degré de froid d’autant plus intense pour geler, que leur jus a une plus grande densité, et qu’elles sont d’autant moins susceptibles d’être altérées par la gelée ou plutôt par le dégel, que ce dégel s’opère d’une manière moins brusque.

Quant aux détails des procédés de conservation des racines, par leur rentrée dans des magasins, des caves, et des silos ou fosses, nous renverrons aux généralités données à ce sujet. (Tome 1, page 328.)

Les betteraves ne paraissent sujettes qu’à un petit nombre de maladies, et ne sont pas non plus attaquées par beaucoup d’insectes. Une affection assez commune dans quelques parties de la France, quoiqu’inconnue dans le Nord, est désignée sous le nom de pied-chaud ; M. de Dombasle l’attribue aux froids qui surviennent dans les premiers temps de la croissance et aussi à la mauvaise qualité du terrain. Le premier symptôme de cette maladie, qui se développe toujours avant que les plants aient acquis six feuilles, est la cessation absolue de la croissance ; cependant les feuilles ne paraissent pas souffrir, mais, si l’on examine la racine, on la trouve dans le quart, la moitié, les 3 quarts, ou même la totalité de sa longueur, flétrie, brune et desséchée, sans chevelu ni apparence de vitalité. Les plants attaqués de la sorte périssent souvent ; mais souvent aussi, après 8 ou 15 jours de cette situation, quelques journées chaudes ou une pluie douce font apparaître à l’extrémité des racines quelques points blancs, signes certains de guérison. On ne connaît pas de remède à celte maladie. — Il existe encore une autre affection qui se reconnaît, à l’époque des récoltes, par un trou plus ou moins profond, plus ou moins grand, qui se trouve sous le collet des betteraves, et qui forme une sorte de plaie qu’on pourrait considérer comme le résultat d’une consomption produite par des insectes ou des larves ; la cause de cette lésion est mal connue. Du reste, elle ne fait pas périr les racines ; mais, lors de leur manipulation, on les trouve d’un travail plus difficile et n’offrant qu’un jus d’une qualité inférieure.

Les insectes les plus redoutables pour la betterave sont les larves des hannetons, ou vers-blancs ; elles l’attaquent surtout lorsqu’elle a déjà pris un certain développement, et par conséquent à une époque où il est presque impossible de repiquer les lieux où les plants ont été dévorés. Lorsque le ver blanc attaque une betterave, on voit ses feuilles se flétrir immédiatement : on ne doit jamais balancer à l’arracher aussitôt , afin de détruire ce redoutable ennemi. Pour les moyens préservatifs contre ce fléau, nous renverrons aux généralités (Tome I, page 566), et nous dirons seulement que, lors des labours et des sarclages, il ne faut jamais négliger de faire ramasser les vers-blancs que les instrumens mettent à découvert. — MM. Baudrimont et Grar signalent un autre insecte très-petit qui se rencontre principalement dans les terres fortes et en bon état de fumure, et qui attaque le jeune plant des betteraves avant qu’il ait acquis six feuilles. Il arrive quelquefois que, dans une pièce très-bien levée et de la plus belle apparence, une partie des plants disparaît comme par enchantement ; c’est l’indice de la présence de ces insectes. On ne connaît pas de moyens de destruction et pas d autre remède que de repiquer les places dégarnies, ou bien de semer tard et avec beaucoup de graines ; les jeunes plants atteignent alors plus vite les six feuilles avec lesquelles ils sont hors de danger, ou les ravages sont moins sensibles, et malgré la quantité de plants dévorés, il en reste encore suffisamment.

Tels sont les préceptes qui peuvent guider les agriculteurs dans la culture de la betterave. Il nous reste à estimer la valeur en ar-