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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : ÉDUCATION DES ABEILLES.


marquer que pour que ces 2 qualités de miel se séparent en grande partie de la cire, et pour achever de les en extraire au moyen de la presse, il faut que le laboratoire ait de 24 à 25° de chaleur du thermomètre de Réaumur.

Dès que le miel ne coule plus et qu’on a assez de rayons brisés pour remplir le seau de la presse, on met dans ce dernier un très-fort canevas assez grand pour le doubler par-dessus la cire sur la longueur et la largeur. Alors on jette les débris de cire dans le seau qu’on remplit bien en foulant la cire avec les mains. On recouvre avec le canevas ; on met un baquet ou cuvier sous la presse, et on fait faire quelque tours à sa vis, jusqu’à ce que le miel coule bien. Quand l’écoulement diminue, on augmente peu à peu la pression, jusqu’à ce qu’elle soit suffisante. On opère ainsi sur tous les rayons, moins ceux qui sont vides, avec l’attention, si on a beaucoup de rayons, de ne pas mêler ceux qui sont blancs avec ceux qui ont pris de la couleur, parce que ces derniers, ne pouvant se blanchir dans certains cantons, coloreraient la cire des blancs et nuiraient à sa valeur. On peut remplacer la presse ordinaire par celle à coin. À défaut des moyens de forte pression, on place tous ses débris dans des vases qu’on fait entrer dans un four dont la chaleur soit à environ 40° pour amollir la cire. Si on n’a ni pressoir ni four, on dispose une étuve qu’on maintient à la température ci-dessus. Enfin si on est dénué de toutes ces ressources, on jette les débris de cire dans une chaudière exposée à un feu doux et sans flamme. On les remue continuellement pour échauffer la cire sans la fondre et sans la laisser s’attacher contre le fond de la chaudière, où elle pourrait brûler, brunir et communiquer un goût désagréable au miel. Quand la cire est amollie par l’emploi d’un des moyens ci-dessus, on en met dans une toile forte et claire, on l’y pétrit et on la comprime par une forte torsion pour en extraire le miel qui n’est que de 3e qualité. On laisse ce miel dans le cuvier 3 ou 4 jours pour qu’il s’épure, et on enlève l’écume qui le recouvre quelquefois, ainsi que le miel de 2e qualité ; ensuite on le met en baril.

Si on trouve du miel candi dans les rayons, on le sépare pour le jeter dans une chaudière placée sur un feu assez doux pour ne pas élever l’eau qu’elle contient à plus de 40°. On manie et on remue le miel dans l’eau, puis on sépare, par la pression, la cire du liquide qu’on expose à un feu doux le temps nécessaire pour le réduire en sirop.

Le miel est une nourriture fort saine, mais un peu relâchante, et qui, par cette considération, est très-utile pour les enfans en bas âge. Il sert de remède contre plusieurs maladies, et l’expérience a prouvé qu’en mettant un peu de miel dans la pâte faite avec la farine d’un blé mal purgé d’ergot, il peut préserver de la gangrène sèche.

[8.4.2]

§ II. — Emploi du miel.

Le miel est un agent conservateur pour les substances qu’on en couvre, et il peut être employé sous ce rapport pour le transport au loin de greffes, d’œufs, de graines et même de certains fruits. On s’en sert pour améliorer les vins dans les années mauvaises pour la maturité du raisin, et dans les cantons qui n’en produisent que de médiocre. À cet effet on en fait bouillir avec un quart de son poids d’eau, et on le verse chaud dans le moût.

Tous les restans de miel peuvent aussi être utilisés. Ainsi, après la dernière pression de la cire, comme il y reste encore du miel, on brise le marc et on l’émiette. On verse dessus l’eau qui a servi à laver les instrumens, dans le rapport d’une partie sur dix de marc ; on y joint les écumes des miels des 2e et 3e qualités, et, après 24 heures, on presse. Le miel obtenu par cette opération est mêlé d’eau qu’on fait évaporer à un feu doux si on veut se servir de ce miel de dernière qualité, soit pour soigner les bestiaux, soit pour nourrir les abeilles auxquelles on ne le donne qu’après l’avoir fait bouillir, écumé et mêlé avec un peu de liqueur fermentée.

Si au contraire on veut en faire de l’hydromel, on brise de nouveau le marc et on y jette de l’eau en quantité plus ou moins grande, suivant qu’on désire que la liqueur soit un véritable hydromel ou produise un petit cidre. On presse de nouveau ; on mêle cette eau avec le miel obtenu par l’avant-dernière pression ; on fait bouillir pendant plus d’une heure, après quoi on met l’hydromel refroidi en futaille ou en bouteille, suivant la quantité. C’est une liqueur commune, mais fort saine.

Quant au mélange plus chargé d’eau, après qu’il est froid on le verse dans des futailles ou dans une cuve couverte pour l’y laisser fermenter, et si on désire rapprocher cette liqueur d’une bière légère, on y met quelques branches de genièvre, ou l’extrémité de branches d’épicéas ou de sapinette du Canada (hemlock spruce).

On fait encore une espèce d’hydromel plus vineux et qui peut remplacer le vin ordinaire. À cet effet, on prend 12 livres du miel de 3e qualité, 36 livres d’eau ; on fait bouillir cette eau dans laquelle on a mis infuser 3 onces de fleur de sureau pendant un quart-d’heure. On y mêle alors 2 onces de tartrate acidulé de potasse, et 4 à 5 grains d’acide borique. Lorsque le tout commence à refroidir, on y délaie le miel et 2 livres de levure de bière ; on place ce mélange pendant 15 jours dans une futaille couverte et dans un lieu à la température de 20°, et l’opération est terminée. Si on désirait que la liqueur fût plus spiritueuse, on y ajouterait une demi-livre d’eau-de-vie. On double ou on triple la quantité de chaque substance, si on veut faire le double ou le triple du vin.

Enfin on fait avec le miel un vin de liqueur agréable. Il suffit de mêler 3 parties d’eau bien pure avec une partie de miel de 1re qualité. On le fait bouillir à petit feu et en remuant bien et en écumant jusqu’à évaporation suffisante pour qu’un œuf frais surnage. On a préparé une ou plusieurs futailles dans lesquelles on a mis les substances dont on veut donner le goût et l’odeur à la liqueur qu’on verse bouillante jusqu’à la bonde. On