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liv. ier.
AGRICULTURE : ENGRAIS.

et n’emploient ces composts qu’après une année ou deux de repos.

Il ne manque à cette pratique utile que d’ajouter de la chaux, dans la proportion de 8 à 10 pour 100 des boues animalisées, et d’opérer plus rapidement, par cet agent actif, les effets qu’on n’obtient que plus incomplètement et plus lentement avec de la marne. La chaux coûte peu à Bergues, et les cultivateurs de ces cantons ont l’habitude de l’employer en la semant sur leurs terres en octobre et en novembre. Le mélange de la chaux, en hâtant la désagrégation des substances organiques, permettrait d’employer cet engrais au bout d’un mois de macération, suivant qu’il contiendrait de 6 à 18 pour 100 (approximativement évalués) de matières organiques et de débris de poissons. On en pourrait employer de 36 à 100 hectolitres par hectare. On observerait d’ailleurs la méthode indiquée ci-dessus.

Poissons morts, animaux marins. — Ces substances, déposées sur les côtes par les marées ou jetées par les tempêtes, sont de très-puissans engrais pour les localités qui se trouvent à portée de les recueillir. — Les coquillages, et notamment les écailles d’huîtres, contenant une forte proportion de substance calcaire, ne conviennent pas dans les sols où ce principe domine déjà, mais sont fort avantageux dans les terres argileuses, humides et froides qu’ils divisent et amendent.

Boues des villes. — Dans les villes populeuses, et surtout aux alentours des marchés aux volailles, poissons, légumes, et dans les rues étroites, on enlève chaque jour des matières boueuses contenant une foule de détritus organiques.

Cette sorte d’engrais mixte, amoncelé en tas souvent énormes, est abandonné ordinairement un ou même deux ans. Alors il s’est réduit d’un tiers ou de moitié du volume primitif, et, durant tout cet espace de temps, il a répandu une odeur infecte, cause de perte et de grave incommodité pour le voisinage.

On étend alors dans les champs, avant les premiers labours, puis on enterre, en labourant, ces boues consommées, comme les fumiers ordinaires. On emploie jusqu’à 36 voies de 2 mètres ou 86,400 kilog. de boues pour un hectare. Cette fumure a d’ailleurs les inconvéniens des engrais infects, dont nous avons parlé d’une manière générale plus haut.

Il serait bien préférable de mélanger les boues récentes avec de la chaux, en les amoncelant. À cet effet, on immerge la chaux dans l’eau à l’aide d’un panier pendant 5 minutes, puis on la tire de l’eau et on la laisse en tas sur le sol battu ou dans des baquets ; là elle se réduit peu-à-peu en poudre, en se combinant à l’eau ; on l’arrose avec ménagement pendant l’extinction, afin qu’elle reste pulvérulente et conserve l’apparence sèche. Cette poudre fine est facile à répandre et diviser sur les couches de boues que l’on superpose successivement après avoir ajouté environ un vingtième de cette chaux sur chacune d’elles. L’addition de la chaux, qui hâte la macération et sature les acides, permet d’employer l’engrais au bout d’un mois.

Il serait mieux encore d’employer, au lieu de chaux, la poudre charbonneuse absorbante qui retiendrait la plus grande partie des gaz utiles, retarderait la décomposition et triplerait l’effet réalisé. Des expériences que nous avons faites avec M. Salmon, ont eu ce résultat, relativement aux boues de Paris, qui seront sans doute un jour traitées ainsi.

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§ vi. — Suie des cheminées.

La suie des cheminées et des poêles où l’on brûle du bois est composée d’un grand nombre de corps. M. Braconnot, en l’analysant, y a trouvé 20 pour 100 d’une matière azotée, de l’alumine, du carbonate, phosphate, sulfate et acétate de chaux, divers autres sels à base de chaux, potasse, magnésie et ammoniaque, une matière charbonneuse ; il faut y ajouter une huile essentielle empyreumatique, et quelquefois un léger excès d’acide acétique, d’autres fois une petite proportion de carbonate de potasse.

On augmenterait l’action stimulante de la suie, en la mélangeant avec son volume de cendres de bois.

On se sert, près de Lille, de la suie de cheminée comme engrais, et surtout dans le but de garantir les jeunes pousses de colza des insectes qui les dévorent. On en répand 5 hectolitres pour 10 ares ; quelquefois on jette aussi de la suie sur les feuilles de colza repiqué dans le mois de mars et d’avril.

Si l’on délaie la suie dans 2 ou 3 fois son volume d’eau, puisque l’on filtre sur une toile ou sur un tampon de paille, on obtient une solution capable de conserver la chair des animaux, en lui donnant un goût analogue à celui des viandes fumées.

Le mélange de la suie, à volume égal, avec les matières animales pures, telles que le sang coagulé et la chair musculaire divisée, est très-convenable pour ralentir la putréfaction, diminuer l’odeur infecte, garantir l’engrais et les plantes des petits animaux et des insectes.A. Payen.

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§ vii. — Des composts, ou du mélange des terres et des fumiers.

La masse principale des engrais est fournie par les litières mêlées aux excrémens des bestiaux ; lorsque leur rareté oblige de les ménager ou de s’en servir pour la nourriture des animaux, on peut y suppléer en couvrant le sol des écuries et bergeries de terre bien meuble et à moitié sèche, laquelle servira d’excipient pour les déjections animales, se chargera en outre des substances exhalées par leur transpiration, et formera un fort bon engrais. Cette méthode offre encore l’avantage d’amender le sol en même temps qu’on le fumera : à cet effet, il suffit de déposer dans les étables une terre qui ait des qualités opposées à celle où l’on doit transporter l’engrais.

On compose dans le même but les composts, mélanges d’engrais formés de substances de diverses natures, placées par couches les unes sur les autres. Destine-t-on le compost à l’engrais et à l’amendement d’une terre argileuse et compacte, on peut emprunter à