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chap. 5e.
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De l’écobuage.

parce qu’il ne nécessite aucune forte dépense d’acquisition première, mais aussi parce que tous les terrains ne se prêtent pas également, par leur régularité, à l’écobuage aux charrues.

On ne donne pas toujours aux plaques de gazon la même épaisseur. Ordinairement on écroute seulement le sol à la profondeur de un ou deux pouces (0 m. 0,27 à 0 m. 0,54). Il est des circonstances où, pour augmenter la masse des cendres végétales et de la terre brûlée, il ne peut y avoir que de l’avantage à pénétrer plus avant.

Lorsque les plaques ont été détachées d’une manière ou d’une autre, pour les faire sécher, on les laisse quelques jours sens-dessus-dessous, et on les retourne ensuite, afin d’exposer la face gazonnée au soleil. Enfin, s’il en est besoin, on les oppose deux-à-deux, par leur sommet, en forme de petites tentes, comme nous l’avons représenté figure 70.

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Art. ii.Du brûlis des terres contenant des végétaux.

On n’emploie pas les produits de l’écobuage exclusivement en les soumettant à l’action du feu ; on les utilise encore, quelques-uns du moins, comme engrais et comme amendemens, soit en les enterrant à la charrue sur le sol même dont on vient de les arracher, soit en les déposant au fond de chaque tranchée de défoncement, soit enfin de toute autre manière. Je n’ai à m’ocuper ici que des brulis.

Quelquefois on fait brûler à la surface du terrain tous les végétaux frutescens et suffrutescens qu’il a produits ; plus communément on ne brûle que leurs racines, après les avoir réunies, comme je l’ai indiqué au commencement de l’article précédent, en petits morceaux, auxquels on met le feu avant leur entière dessiccation. De cette sorte, on enrichit le sol de stimulans favorables à un surcroît de fertilité, sans diminuer sensiblement la proportion des matières fermentescibles qui sont restées dans la couche de terre labourable, mais aussi en ne soumettant qu’une faible partie de celle-ci à l’action du feu.

On brûle assez souvent les chaumes, et parfois même, dit-on, dans le Lincoln, de la paille, qu’on répand à cet effet à la surface du sol dans la proportion d’environ 5 tons par acre, ou 1250 kilog. par hectare. Aux environs de Rayonne et ailleurs, dans le midi et l’ouest de la France, en Espagne, etc., la première de ces pratiques s’est continuée sans interruption.

Pour les résidus tourbeux et les plaques gazonnées qui retiennent fort peu de terre, les ouvriers les amoncèlent à la distance de 10 à 12 pi. (3 à 4 mètres). Il est facile de les enflammer au moyen d’une petite quantité de cendres incandescentes prises sur les tas dont la combustion s’achève.

Il arrive fréquemment dans les marais, dit John Sinclair, au lieu d’amasser les gazons en tas, de les brûler incomplètement en les laissant répandus à la surface dans l’état où les a laissés la bêche à écobuer, et cette pratique est suivie d’excellens effets.

Mais, lorsque les plaques contiennent une plus grande quantité de matières terreuses, tous ces procédés deviennent insuffisans. Voilà celui qui a été recommandé le plus communément, d’après notre célèbre Duhamel. — On construit avec les plaques, en les superposant à plat, la face gazonnée la première, de petits fours (Voy. fig. 70) d’un à deux pieds de diamètre dans oeuvre, au bas desquels on a soin de ménager, sous le vent, une ouverture carrée de 8 à 10 pouc. ( 0m 217 à 0m 271), et qui se terminent à la partie supérieure par une autre ouverture destinée à activer, au premier moment, la combustion des broussailles diverses dont on a rempli complètement la cavité du four avant de l’achever. — Dès que le bois est allumé convenablement, on ferme, avec de nouvelles plaques, la porte et la cheminée ; on bouche même les fentes par lesquelles la fumée pourrait s’échapper trop abondamment, précisément comme les charbonniers le font à leurs fourneaux. — Dans cet état, la combustion continue lentement jusqu’à ce que la masse entière ait subi ses effets.

Un tel moyen est incontestablement fort bon ; toutefois, par sa régularité même, il entraîne des frais de main-d’œuvre considérables. Il est un autre procédé plus simple, fort en usage dans la Catalogne française et espagnole, dans une grande partie de la Provence, et, d’après M. Gaston de La Beaume, dans toute la belle vallée du Grésivaudant. Voici la description qu’en a donnée mon vénérable collègue M. de Lasteyrie : « Comme les plaines de la Catalogne sont dépourvues de bois, les cultivateurs vont chercher sur les coteaux ou montagnes voisines des broussailles, des racines de lavande, de romarin, etc., pour la combustion de leurs terres[1]. Après avoir labouré une ou deux fois le champ qu’ils veulent brûler, ils placent sur toute la superficie, à des distances convenables, de petits fagots pour l’ordinaire de forme presque ronde et quelquefois plus alongée : un ouvrier forme les monceaux, que les Espagnols nomment formigas, par allusion à l’habitation des fourmis ; on leur donne 1 mètre de base sur 3 ou 4 d’élévation, et on ramène avec un râteau la terre qu’on range autour des fagots jusqu’à ce qu’il s’en trouve une suffisante quantité pour la formation du monceau. On recouvre le fagot des mottes de terre les plus grosses, ayant soin de laisser au sommet une petite ouverture pour le passage de la fumée et de l’air. C’est par cette ouverture qu’on met le feu, après avoir recouvert le fagot de quelques poignées de chaume, de paille ou autres combustibles facilement inflammables.... Ceux qui construisent les formigas se contentent de laisser, dans la partie supérieure, de petits interstices entre les mottes pour donner accès à l’air. Après avoir entassé sur le fagot de petites mottes, on recouvre celles-ci avec la terre fine que l’on enlève au moyen d’une houe

  1. Cette méthode décrite ici pour la combustion des terres dépouillées de végétation dont nous nous occuperons plus spécialement dans la section suivante, est cependant applicable et souvent appliquée aux brûlis des plaques engazonnées. C’est sous ce point de vue que je la reproduis ici.