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liv. ier.
AGRICULTURE : OPÉRATIONS AGRICOLES.

d’écobuer, et il me sera plus facile de faire voir que le raisonnement vient parfaitement à l’appui des faits.

Il est clair que les brûlis détruisent en peu d’instans toutes les matières organiques qui se trouvent exposées à leur action, et qui, sans eux, auraient subi dans le sol une décomposition plus ou moins lente. Quoiqu’il ne faille pas en induire, comme on le voit, que dans cette opération tout soit perte pour la végétation, il n’en est pas moins vrai que l’écobuage souvent répété, sans le concours d’aucun engrais, épuiserait inévitablement le sol même le plus riche, et il n’est pas douteux que cette circonstance n’ait contribué, dans bien des cas, à le faire regarder comme plus funeste que profitable. — On a confondu l’abus avec l’usage.

Dans les tourbières, où la matière organique surabonde, l’écobuage ne peut avoir que des avantages. Il produit une poussière alcaline et terreuse qui s’interpose favorablement entre les débris des végétaux ; qui favorise, à la manière de la chaux, leur décomposition naturelle ; et qui sature, dans les circonstances assez nombreuses où ils se dégagent, divers acides essentiellement nuisibles à la végétation. Aussi, en pareil cas, cette opération est-elle un des plus puissans et des plus prompts moyens de mise en culture.

Dans les marais desséchés, les terrains tenaces, couverts de plantes à racines nombreuses ou charnues, comme la plupart de celles qui végètent de préférence dans les localités humides, l’utilité de l’écobuage est incontestable.

Sur les vieilles prairies, partout où les élémens du terreau sont nombreux et ont besoin d’être, pour ainsi dire, excités à la fermentation, il en est de même.

Cette utilité est aussi positive sur les terres glaiseuses, argilo-marneuses, et en général sur toutes celles qui pèchent par une trop grande ténacité.

Quant aux sols légers, sablonneux, naturellement chauds et peu riches en matières végétales, on doit juger, d’après ce qui précède, que l’écobuage leur est peu profitable. — Comme amendement, il tend à diminuer encore leur consistance ; — physiquement, il n’exerce aucune action sensible sur les sables, et chimiquement, il agit à peu près comme pourrait le faire un excitant prodigué à des convives affamés devant une table pauvrement servie. — Sur de tels terrains, l’écobuage ne doit donc être approuvé, en de rares circonstances, qu’avec le concours d’abondans engrais.

Du reste, les brûlis, dans les cas les plus ordinaires, n’excluent nullement l’usage des fumiers. Ils augmentent puissamment leur énergie, sans pour cela les remplacer.

À la vérité, dans trop de localités, sur des landes pauvres, sur le penchant de collines arides, après un écobuage, et sans le secours d’engrais ou presque d’aucun engrais, on sème une ou deux fois de suite du seigle, de l’avoine ou du sarrazin, puis on laisse le terrain se couvrir de nouveau de bruyères, de genêts ou d’ajoncs, qui devront l’occuper pendant 6, 7 ans, et quelquefois plus long-temps ; mais une telle routine ne peut être citée comme exemple.

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§ iii. — Plantes auxquelles convient l’écobuage.

De même que l’écobuage ne réussit pas sur toutes les terres, il ne paraît pas convenir également à tous les végétaux. — Les crucifères, comme les turneps et autres raves, les navets, le colza, la navette, etc., s’en trouvent particulièrement bien. L’odeur acre et durable du brûlis paraît éloigner les altises. — Lorsque le sol n’est que d’une fertilité moyenne, les Anglais préfèrent les turneps à toute autre plante, parce que, soit qu’ils les fassent pâturer sur place par les moutons, au moyen du parcage, soit qu’ils les portent à l’étable ou à la bergerie pour les convertir en fumiers, qui devront être reportés sur le même terrain, ils obtiennent ainsi, l’année suivante, une orge ou une avoine toujours fort belle, sur laquelle le trèfle se développe avec une vigueur inusitée. Celui-ci, après un ou deux ans, est retourné avant la dernière coupe, et on brûle de nouveau pour faire place, sans addition d’engrais, à du froment.

La plupart des plantes légumineuses réussissent aussi fort bien après l’écobuage. — Les pommes-de-terre et les blés sont dans le même cas. Toutefois, il est généralement de bonne pratique de n’amener, sur une défriche, les céréales panaires qu’en seconde ou troisième récolte. — Sans entrer ici dans des détails qui seront plus utilement placés à l’article Assolemens, j’ajouterai seulement, par anticipation, que les bons résultats et la durée des effets de l’opération qui nous occupe en ce moment, sont étroitement liés au choix d’une bonne rotation de culture.

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§ iv. — Causes des effets de l’écobuage, et opinions diverses sur cette opération.

Les chaumes, que dans beaucoup de lieux on est dans l’usage de brûler sur place, bien qu’on puisse croire qu’il serait plus profitable de les utiliser comme litière, produisent cependant, par suite du brûlis, un effet incontestable qu’il serait difficile d’attribuer exclusivement à l’incinération ; car, selon l’observation très-judicieuse de M. Puvis, dans un produit moyen de 12 hectolitres par hectare, un chaume de 5 pouces de longueur ne pèse pas plus de 12 quintaux, qui, brûlés, ne donnent que 50 livres de cendres ou à peine 1 pied cube, et ces cendres contiennent au moins moitié de substance terreuse ; or, on a vu qu’une telle quantité serait tout au plus le centième de celle qui conviendrait pour amender convenablement un espace de semblable étendue. — L’effet produit est donc dû en partie à l’action du feu sur le sol.

Les brûlis de racines et de branchages, ceux des argiles surtout, sont une nouvelle preuve de cette vérité. Dans le premier cas, les places où se trouvaient établis chaque tas, lors même qu’on a enlevé rigoureusement toutes les cendres, conservent encore une fertilité telle que les récoltes y versent fréquemment ; dans le second, il est bien évident que la proportion de matière végétale est le plus souvent fort minime.