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liv. ier.
AGRICULTURE : OPERATIONS AGRICOLES.

fixer toute l’attention du spéculateur agricole, c’est la masse d’eau douce que les dunes recèlent bien souvent. Elle est telle qu’en certains endroits elle peut donner lieu à des cours d’eau très-importans pour l’agriculture (comme aux environs de Katwik près de Leyde), et presque toujours alimenter des canaux de navigation, du moins sur les côtes de l’Océan.

Derrière les dunes on trouve des terres sablonneuses qui prennent le nom de landes lorsqu’elles ne sont pas cultivées ni en apparence cultivables. Nous ne devons pas nous étendre ici sur cette matière qui à elle seule exigerait un traité spécial, non plus que sur la culture des sols plus ou moins sablonneux qui leur sont contigus (voir ci-devant, p. 32).

B. Terrains d’alluvions, schores et polders.

La plupart des lais de mer sont dus aux fleuves qui, exhaussant peu-à-peu le fond de la mer par leurs dépôts successifs, ont fini par ajouter au continent de nouvelles surfaces, d’abord presque toujours submergées, puis au-dessus du niveau de l’étiage, enfin au-dessus des marées ordinaires. Parvenues à ce dernier point, si elles reçoivent beaucoup plus souvent les inondations du fleuve que celles de la mer, et si les eaux salées n’y séjournent pas après leur invasion, il s’y établit une abondante, une riche végétation dont on peut tirer un grand parti pour toute espèce de cultures ; c’est ce qu’on appelle schores dans la Flandre. Dans le cas contraire, il faut, avant de les cultiver, un traitement particulier, dont nous parlerons tout-à-l’heure.

Dans les Pays-Bas et particulièrement vers les bouches de l’Escaut, on considère un schore comme parvenu à son point de maturité pour être converti en polder, lorsque la végétation des roseaux et autres plantes amphibies (qu’on me passe l’expression), est assez riche et établie depuis assez long-temps pour qu’il se soit formé une couche d’humus abondante au-dessus des attérissemens ; alors seulement on l’endigue et il prend le nom de polder.

Les premières récoltes dans les schores endigués sur les bords de l’Escaut, réussissent si bien, que des Hollandais accourent dès qu’il y a un endiguement achevé, font à leurs frais le défrichement, et donnent jusqu’à trois et quatre cents francs de loyer par hectare pour les premières années. Ils y sèment du lin et réalisent, à ce qu’il paraît, d’énormes bénéfices lorsqu’il réussit. Quelques propriétaires préfèrent exploiter pour leur compte cette première fertilité. Ordinairement ils sèment du colza deux années de suite, ils prétendent avoir encore plus de profit qu’en cédant aux Hollandais. Après les premières récoltes, les schores entrent dans la catégorie des meilleures terres à froment et à fourrage, selon la nature du sol. Nous n’en parlerons pas davantage ici.

Il existe quelquefois dans les schores des terrains situés de manière à ce qu’on ne puisse empècher complètement les eaux pluviales des portions plus élevées de s’y rendre ; d’autres qui sont inondées par le siphonnement des eaux intérieures, ou bien par des submersions du fleuve. Ces terrains convenablement traités peuvent former d’excellentes roselières, ou bien nourrir diverses plantes marécageuses, parmi lesquelles nous indiquerons particulièrement les Typha, à cause de leur fibre éminemment propre à la fabrication du papier, qu’on exploite sous ce rapport aux environs de Fox (Bouches-du-Rhône).

Dans les endroits submergés durant toute l’année, on aura une pêcherie abondante. On pourrait peut-être aussi y nourrir avec profit des tortues d’eau douce, si rares aujourd’hui, et cependant si recherchées par les médecins. Ces sortes de marécages leur conviennent parfaitement. Les marais d’Arles en nourrissaient beaucoup avant que la médecine leur eût fait une chasse si acharnée. Il n’y en a plus maintenant.

C. Salans, salobres ou sansouires.

Nous ne pouvons ici qu’effleurer les questions au risque d’omettre souvent des choses essentielles ; nous nous bornerons en conséquence à dire que lorsqu’on dispose, au moins par intervalles, d’un cours d’eau supérieur aux terrains salans, ce qu’il y a de mieux pour leur amélioration, c’est de les submerger et arroser le plus souvent qu’on peut, jusqu’à ce que la végétation, triomphant de la salure, ait converti ces sansouires en schores artificiels qu’on traite ensuite comme les schores ordinaires, sauf l’attention de ne donner qu’avec précaution des cultures profondes, de crainte d’amener au-dessus la terre infertile.

D’autres personnes conseillent de cultiver ces sols, puis de les submerger ; aussitôt après d’évacuer les eaux chargées de sels qu’elles auront dissous puis de les cultiver de nouveau ; de les submerger encore, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on puisse les semer avec confiance. Cette méthode, peut-être plus expéditive, n’est pas aussi sure que la première, car l’humus se dissout et s’en va avec l’eau, tandis que par le premier procédé il s’accroit sans cesse.

Bien souvent après l’endiguement des salans on n’a pas d’eau pluviale ou torrentielle à portée pour faire cette opération. Alors on a encore le choix entre deux des méthodes analogues. La première consiste à diviser la surface en petits carrés par de petits fossés ou de forts sillons de charrue, dont les déblais retiennent l’eau pluviale et l’obligent à séjourner à l’endroit même où elle est tombée. Elle y fait croître peu-à-peu des végétaux qui à la longue forment une couche d’humus superposée au salant susceptible de donner d’abondantes récoltes. Par la seconde on cultive la terre à grosses glèbes, qu’on laisse ainsi sans les briser pour faciliter le lavage de la couche superficielle où doit s’établir la culture ; on ne permet jamais à la terre de se tasser, tant qu’elle n’est pas couverte par une végétation suffisante ; car le soleil, en pompant l’humidité supérieure, ferait remonter avec l’eau, par l’effet de l’attraction capillaire, les sels qu’on s’était efforcé de faire descendre par l’infiltration de l’eau fluviale à travers la terre ameublie.