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chap. 6e.
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DES LABOURS.

toujours à leur valeur les frais considérables auxquels entraîne inévitablement la multiplicité de semblables travaux. — Répétons que le moyen le plus certain d’éviter le retour trop fréquent des labours, c’est de savoir les faire à propos.

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§ iii. — Époques favorables aux divers labours.

Les terrains facilement perméables à l’eau peuvent, à vrai dire, être labourés à peu près en tout temps ; mais il est loin d’en être de même des autres. — Lorsqu’ils surabondent d’humidité, tantôt ils adhèrent au soc et au versoir de la charrue, tantôt ils se compriment en bandes boueuses, sans aucune porosité, et que la sécheresse transforme en véritables pierres ; les animaux, en les piétinant, rendent plus sensible encore un tel inconvénient. — Lorsqu’ils sont trop secs, outre qu’il est presque impossible de les travailler, ils se divisent en mottes d’une extrême dureté que la herse ne peut briser. Il est donc indispensable de choisir le moment où les pluies les ont humectés assez profondément sans les saturer, et ce moment ne se présente pas toujours d’une manière opportune.

Dans tout le midi de la France, par exemple, la principale difficulté que rencontre le laboureur, est la brièveté du temps qu’il peut employer à la préparation des terres. Si, pour ménager quelques dépaissances à ses moutons, il ne profite pas des journées favorables de l’automne et de l’hiver, les pluies printanières sont si peu fréquentes, que dès la dernière quinzaine de mai il lui devient presque impossible de faire un travail passable ; aussi une jachère complète lui paraît-elle le seul moyen de donner à ses champs une culture suffisante. — Sur les prairies artificielles destinées à être retournées, à moins qu’on ne diffère les premiers labours jusqu’à la veille des semailles, ce qui présente le grave inconvénient de ne pas donner au sol le temps de s’aérer, ils sont d’autant plus difficiles que la saison est déjà fort sèche après les coupes. Les seconds labours ne le sont pas moins ; car en été, ainsi que le savent ceux qui ont habité la Provence, la pluie même devient un obstacle quand elle ne pénètre que partiellement la couche labourable. Dans ce cas, dit M. DE Gasparin, un labour imprudent produit un effet que l’on désigne dans ce pays par l’expression de gâter la terre. Il consiste dans la sortie d’une multitude de mauvaises herbes, principalement de coquelicots et de crucifères, plantes à graines oléagineuses qui épuisent beaucoup le sol et le couvrent, pour plusieurs années, de leurs semences abondantes. — On conçoit, d’après ces divers motifs, combien la sécheresse et la chaleur de ces contrées opposent de difficultés au labourage. — En remontant vers le nord nous verrions que l’humidité constante de certaines années en présente assez souvent de non moins graves.

En théorie, il est avantageux de labourer les terres fortes peu de temps après qu’elles ont été dépouillées de leurs produits, les labours d’automne contribuant, plus que tous autres, à leur ameublissement. Après eux ceux d’hiver, en tant qu’ils précèdent la gelée, remplissent à peu près le même but. Cependant, en pratique, assez ordinairement on attend la fin de cette saison, de sorte qu’il faut ensuite labourer coup sur coup au printemps, ce qui n’est jamais à beaucoup près aussi profitable, — Au reste, les labours de l’arrière-saison offrent bien aussi parfois quelques inconvéniens. Voici ce qu’en dit Arthur Young, d’après les expériences faites par lui sous le ciel humide de l’Angleterre : « On voit qu’il est incontestablement utile de labourer en automne les chaumes que l’on destine à la culture des fèves. Il paraît aussi qu’il y a de l’avantage à labourer en automne une jachère que l’on destine aux turneps ; mais on ne voit pas que cet usage soit également utile pour la culture des blés de mars, attendu qu’à moins que la terre ne fût parfaitement nette, ce serait provoquer la végétation des mauvaises herbes, sans se ménager les moyens de les détruire. Il offre au surplus tant d’autres avantages qu’on doit être étonné de voir si peu de fermiers s’y conformer, sous prétexte qu’il leur faut une pâture, toujours misérable, pour leurs bêtes à laine. Cependant je dois avertir le lecteur que ce que je dis ici n’est pas applicable à tous les sols. Supposons que la nature d’une terre soit telle qu’aux premiers jours secs du printemps elle se réduise en terreau aussi aisément que celle qui aura été labourée en automne. Supposons que ce soit pour elle un désavantage de rester exposée et ouverte aux pluies d’hiver, parce qu’elle demande à rester comme elle a été laissée par la dernière récolte, en masses compactes et arrondies, en sorte que l’eau puisse rouler dessus sans la pénétrer ; alors je conçois, et même il me paraît clair, qu’une semblable terre, s’il en existe, demande plutôt à être labourée au printemps qu’en automne. »

Les labours d’été ne sont en usage que dans deux cas : 1o pour la préparation des terres qui viennent de porter des récoltes et qu’on veut semer immédiatement ; cas peu ordinaire, mais qui peut présenter, en des circonstances favorables, de précieux avantages avec un bon système d’assolement ; — 2o pour détruire les mauvaises herbes pendant une jachère complète. Dans ce cas, ils doivent être combinés de manière que celles-ci n’aient pas le temps de fructifier, ce qui s’accomplit en cette saison avec une extrême rapidité.

Art. iii. — Des divers modes de labours.

Comme les défoncemens, les labours s’effectuent à bras d’hommes ou à l’aide de machines mues par des animaux. Les outils dont on se sert dans le premier cas étant en partie les mêmes que ceux dont il a déjà été parlé, je n’aurai que peu de choses à ajouter ici.

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§ i. — Des labours à bras d’hommes.

Dans plusieurs localités, pour parer la terre, c’est-à-dire pour lui donner un premier labour de préparation, on emploie la bicorne (fig. 136, page 160), diverses autres pioches, ou des hoyaux avec lesquels on divise la surface en mottes plus ou moins grosses. Ce travail, quoiqu’imparfait puisqu’il ne retourne pres-