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liv. ier.
AGRICULTURE : FAÇONS GÉNÉRALES À DONNER AU SOL.

Jefferson est, à notre connaissance, le premier qui ait formulé géométriquement l’art de donner aux versoirs concavo-convexes une courbure identique et modifiable selon des règles fixes, eu égard à la largeur et la profondeur du sillon proposé, ainsi qu’à la longueur de l’arbre de la charrue, depuis la jonction avec l’aile, jusqu’à son arrière-bout. Son beau travail, que nous regrettons de ne pouvoir reproduire dans un ouvrage de la nature de celui-ci, publié dans le 1er volume des Annales du Muséum d’histoire naturelle, en 1802, eut alors en Europe une réputation méritée. Toutefois, quelques essais, trop peu nombreux peut-être, durent faire penser que la forme adaptée par l’honorable président des États-Unis n’était pas dans tous les cas la plus parfaite, et elle fut en conséquence modifiée, selon les localités, d’une manière plus ou moins heureuse.

Il serait fort difficile de décrire bien intelligiblement, même à l’aide de figures, les modifications de forme des versoirs considérés de nos jours comme les meilleurs, et encore plus d’indiquer, pour l’un d’eux, les conditions d’une perfection qui n’existe pas d’une manière absolue. En effet, si dans les terrains légers, ou déjà divisés, une courbure considérable produit en général le meilleur effet, dans les sols plus consistans, et particulièrement sur les défriches des champs enherbés, avec une concavité moins grande on arrive à de meilleurs résultats. — Dans notre opinion, qui est appuyée de l’imposante autorité de Thaer, et de la pratique, chaque jour plus répandue, de nos meilleurs agriculteurs, le versoir doit être combiné de manière à retourner la bande obliquement, ainsi que l’indique la fig. 209, plutôt qu’à plat.

Fig. 209

« Cette inclinaison, dit l’agronome, justement célèbre, que nous venons de citer, est précisément celle qui, au moyen des espaces restés vides entre chaque tranche, opère l’ameublissement du sol de la manière la plus parfaite ; car l’air est ainsi en quelque sorte renfermé dans la terre et entre en contact même avec la partie inférieure du sol. Ces espaces servent aussi à conserver l’eau que les pluies ont amassée dans la terre, et, lorsque cette humidité est évaporée par la chaleur, le sol s’ameublit encore davantage. La terre alors descend peu-à-peu et remplit les espaces vides. Cette surface, qui contient autant de prismes qu’il a de raies, a beaucoup plus de points de contact avec l’atmosphère, et la herse y a une action bien plus sensible que sur une surface unie, à tel point même que, non seulement la terre en est pulvérisée, mais qu’encore les racines qui y sont contenues sont arrachées par cet instrument. Ainsi donc, dans tous les terrains qui ont besoin d’être divisés et ameublis, cette inclinaison des tranches a de grands avantages, et c’est dans des terrains trop légers seulement qu’elle peut avoir des inconvéniens… »

Le grand avantage des versoirs concavo-convexes sur les versoirs plats, c’est qu’au moyen de leur courbure, la terre, en s’élevant sur le soc et le versoir, est tournée sur son axe, de sorte qu’à mesure que le mouvement s’opère, la bande, entraînée par son propre poids, se détache d’elle-même après un court frottement.

Dans un terrain d’une consistance moyenne, assez siliceux pour user promptement les parties frottantes de la charrue, si on emploie un versoir en bois, déjà disposé d’après les principes connus, on remarque que la surface agissante prend la forme exacte que suit la bande dans les divers mouvemens d’ascension et de renversement. Par ce moyen, résultat bien simple d’une pratique continue, le versoir usé peut devenir un modèle qu’il est facile de reproduire en fonte, en suivant exactement sa courbure à l’aide des procédés connus des sculpteurs pour mettre au point.

Aux versoirs en bois on a substitué généralement, dans les temps modernes, ceux en fer battu ou en fonte. Ces derniers, beaucoup plus durables et plus solides que ceux de bois, et moins coûteux que ceux de fer forgé, ont sur les uns et les autres l’avantage d’une exécution parfaitement uniforme. Ils se polissent à l’usage, de manière à présenter une surface parfaitement lisse, qui retient beaucoup moins la terre que le bois, toutes les fois que celle-ci n’est pas pénétrée d’une humidité surabondante : dans ce dernier cas il peut arriver qu’un versoir en bois soit préférable à tout autre. Cependant c’est ici le lieu de dire que l’Anglais Finlayson, dont nous ferons connaître plus loin quelques-uns des travaux, a inventé un versoir composé de 3 ou 4 bandes de fer dirigées dans un sens presque parallèle au sep, et dont la courbure peut être réglée comme dans le versoir ordinaire dont elles forment pour ainsi dire la charpente ; de cette sorte les points de contact avec la terre étant beaucoup moins nombreux, le frottement est diminué d’autant. Cette innovation singulière, a, dit-on, reçu, depuis quelques années, chez nos voisins d’outre-mer, la sanction de l’expérience.

Les versoirs se fixent à la charrue de plusieurs manières : Antérieurement : tantôt par des boulons adhérens au montant de devant, qui unit le corps du sep à la haye, comme dans la charrue américaine, — tantôt par une agrafe qui embrasse en entier ce même montant, comme dans la grande charrue écossaise (d’après cette disposition le versoir peut s’écarter du sep plus ou moins, selon la largeur de l’aile du soc) ; — tantôt enfin par un boulon horizontal qui traverse le sep, et autour duquel le versoir peut être élevé verticalement ou abaissé pour le service, comme dans la charrue Hugonet modifiée, que nous décrirons plus tard, et qui est destinée à labourer à la manière des charrues à tourne-oreille ; — Postérieurement : soit contre le corps du sep et le montant de derrière, — soit par une disposition particulière (fig. 210) qui permet, ainsi qu’il a déjà été dit, de lui donner plus ou moins d’écartement à l’aide d’une vis a et de deux écrous b b fixés de chaque côté