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chap. 7e.
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DES ENSEMENCEMENS ET PLANTATIONS.

On a proposé d’ajouter à ces semoirs des accessoires qui économisent les frais ultérieurs, il est vrai, ainsi que la dépense du rayonneur, mais toujours au détriment de la simplicité et de la solidité. Ainsi, en Allemagne, on a adapté en avant du tube conducteur un rayonneur. D’autres ont mis derrière ce même tube un petit rouleau destiné à serrer contre la terre la semence qui vient d’être répandue (fig. 304 A et B). Mais, je le répète, ces accessoires, qui peuvent sourire à l’inventeur et plaire à une certaine classe d’amateurs, rendent la manœuvre très-embarrassante, augmentent le prix et la fragilité des instrumens. Car il faut bien se persuader que plus la charpente reçoit d’entailles et de mortaises, moins elle offre de résistance aux obstacles que la machine rencontre dans sa marche. Il est donc préférable pour les semoirs à bras de les faire précéder du rayonneur isolé et suivre par la herse ou le rouleau afin de recouvrir la graine.

Une conséquence générale et pratique à tirer de ce que nous avons dit, c’est que pour les céréales il est rarement avantageux de semer en lignes et par conséquent d’employer les semoirs qui distribuent la semence par rangées parallèles. Une autre cause encore milite en faveur de cette opinion, c’est que l’usage des semoirs est très-difficile lorsque les semences des granifères ont été soumises préalablement à l’opération du chaulage. La poussière de la chaux imprègne les brosses ou obstrue les ouvertures des lanternes au point d’empêcher l’instrument de fonctionner d’une manière tant soit peu satisfaisante.

Quant aux autres plantes, les avantages des semoirs sont incontestables, et si, jusqu’à présent, on ne les a pas introduits dans les fermes où on les cultive, il ne faut l’attribuer qu’au charlatanisme avec lequel on a préconisé des machines défectueuses et au prix élevé de celles qui ont approché le plus près de la perfection.

Les personnes qui ne voudraient pas faire la dépense d’un de ces instrumens, et qui ont le désir de semer en ligne les plantes pour lesquelles cette disposition est préférable, pourront se servir d’un moyen que j’ai vu pratiquer avec succès pour les graines fines. On remplit de semence une bouteille dont on forme l’orifice avec un bouchon ordinaire traversé par un tuyau de plume ouvert à chacune de ses extrémités et destiné à donner passage à la semence. On le promène ensuite le long des rigoles (fig. 305) qu’on aura eu soin d’ouvrir auparavant. Ce procédé est expéditif et moins fatigant que de répandre la semence à la main.

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§ ii. — Semailles à la volée.

C’est le procédé le plus généralement employé et celui qui, dans la réalité, présente le moins d’inconvéniens pour les céréales et pour les prairies artificielles.

On sème à la volée sur raies et sous raies. Nous allons parler d’abord de la 1re méthode. Il est impossible de donner, pour exécuter cette opération, des indications suffisantes pour mettre au fait ceux qui ne sont pas familiarisés par la pratique avec les précautions qu’elle exige. D’ailleurs, chaque contrée a une manière différente de semer ; chaque semeur possède un procédé différent pour prendre le jet et, le disperser, et lorsqu’on a examiné attentivement les usages de plusieurs localités, on est convaincu qu’aucun ne mérite la préférence. Il est toujours dangereux de forcer un semeur à changer sa méthode pour en prendre une nouvelle que l’on croit meilleure ou plus expéditive. Pour bien semer il ne suffit pas de répandre la semence uniformément. La grande difficulté, dans cette opération, consiste à distribuer uniformément et à volonté une quantité de grains déterminée sur une surface donnée. Aussi les hommes qui possèdent ce talent sont-ils rares à rencontrer ; et le cultivateur qui croirait faire une économie en employant un semeur qui n’exige qu’un médiocre salaire, préférablement à un autre qui a la conscience de son mérite, compromettrait gravement le succès de ses récoltes. Il ne faut pas contrarier le semeur ni l’engager à se hâter ; en pressant le pas il peut manquer l’opération. Pour n’être point trompé par l’homme qu’on emploie, il suffit de savoir qu’un semeur ordinaire peut en un jour répandre de la semence sur une superficie de 6 à 7 hectares. Pour faciliter le travail, il convient de diviser la pièce à semer en plusieurs compartimens devant lesquels on dépose la quantité de semence déterminée à l’avance. Lorsque la première partie est semée, s’il reste du grain, le semeur s’apercevra qu’il a trop alongé le jet ; si, au contraire, la quantité est insuffisante, il verra qu’il a semé trop dru, et, dans l’un ou l’autre cas, il sera à même de se rectifier pour le deuxième compartiment.

Le semeur est un homme qu’il ne faut pas confondre avec les autres agens de la culture : des encouragemens donnés à propos lui inspirant une sorte de fierté, et s’il cherche à mériter la confiance qu’on parait lui accorder, il mérite bien quelque distinction.