Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/249

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commencent à se former était mieux connu, on pourrait prévenir les obstacles qui arrêtent les progrès de leur développement. Il est une saison particulière où les semences tallent ; cette saison passée, il n’y a aucune culture qui puisse leur faire produire un seul tuyau de plus : il en est de même de la formation de l’épi ; dès qu’il est sorti des enveloppes que lui forment les feuilles, on ne réussira par aucun art à le rendre plus considérable, c’est-à-dire à augmenter le nombre de ses balles ou calices : et l’on peut ajouter qu’après le temps de la fleur, tous les labours du monde ne parviendront pas à faire croître un seul grain de plus que ceux qui sont déjà formés dans l’épi, quoique la plante eût pu recevoir, dans chacune de ces circonstances, une grande amélioration par une culture bien entendue et donnée à propos. Il est donc pour nous d’une grande importance de connaître les diverses périodes du développement des différentes parties des plantes, et cela, afin que si nous manquons de lui donner les secours dont elle peut avoir besoin dans une saison, nous puissions lui en donner d’autres dans les développemens qui doivent succéder. Si nous laissons échapper le moment d’accroitre le nombre de ses tiges, nous lâcherons du moins de saisir celui de multiplier le nombre des grains dans les épis, de les rendre plus gros, plus pesans et plus remplis de fleur de farine. » C’est à l’aide de l’observation et des connaissances botaniques qu’on pourra mettre en pratique de si sages conseils.

Antoine, de Roville.

Section iv.Façons pour le terrassement des plantes.

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Art.ier. — Du butage.

Il est impossible de déterminer d’une manière générale la nature des plantes auxquelles cette opération convient particulièrement : ce n’est guère qu’à celles dont la tige pousse des racines latérales, là où seraient venus des bourgeons si cette partie avait été exposée à l’air au lieu d’être couverte de terre. Il est de fait aussi que les plantes à feuilles radicales supportent difficilement un buttage énergique qui les couvrirait de terre.

Le butage est une opération de la plus haute importance, et si des cultivateurs ont cherché à se faire illusion sur ce point, c’est que, quand on n’y emploie que les bras de l’homme, le butage est très-pénible, dispendieux et souvent mal exécuté. Cette dernière assertion sera peut-être en contradiction avec les idées que quelques personnes se sont faites, sur le butage ordinaire ; cependant l’expérience ne la confirme que trop souvent. En effet, lorsqu’on a résolu de ne buter qu’une seule fois, parce qu’il serait trop coûteux de le faire deux, on ne choisit pas pour ce travail l’époque de la première croissance de la plante, soit parce qu’en opérant alors à une certaine profondeur on risquerait de les recouvrir totalement de terre, soit parce que depuis le moment de l’opération jusqu’à celui de la récolte les mauvaises herbes auraient trop de temps pour se multiplier, soit enfin parce que les pluies ou d’autres circonstances déformeraient et abattraient les buttes. On est donc forcé de différer jusqu’à ce que la tige ait pris un certain développement, et il est bien rare alors que l’opération n’ait pas été trop retardée, car c’est surtout dans leur jeunesse que les plantes veulent être cultivées. Cependant, lorsqu’on ne peut être maître des circonstances, on fera toujours mieux d’exécuter le butage à bras d’hommes que de ne donner aucune culture. Celui qui se trouvera dans ce cas devra bien se persuader qu’une seconde façon sera largement payée par le surplus du produit.

La perfection dans le butane consiste à amonceler autour de la tige une butte de terre qui, sans recouvrir le feuillage, soit cependant aussi élevée que possible. Lorsque la plante a plusieurs tiges, l’opération est meilleure lorsqu’on les écarte les unes des autres par la terre et qu’on en fait une sorte de marcottage.

I. Butage il la main. — Avec la houe à main on s’y prend de deux manières. Lorsque les végétaux sont alignés, on élève une butte continue en exhaussant la terre non seulement près de chaque plante, mais encore entre tous les vides qui se trouvent d’une plante à l’autre : pour cela il n’y a qu’à creuser l’intervalle qui existe entre chaque rangée parallèle ; ou bien on élève autour de chaque plante une butte en forme de cône plus ou moins tronqué. Cette dernière méthode est plus longue que la première et n’est pas plus parfaite. Elle exige de plus un instrument de forme particulière ; il faut se servir d’une houe dont l’extrémité tranchante décrive à peu près la même courbe que la base de la butte, car la butte étant ronde, si on se servait d’une lame rectiligne, celle-ci ne pourrait être appliquée tangentiellement et n’agirait jamais que sur un point, tandis que la lame courbe s’applique exactement sur tous les points de la ligne qu’elle décrit.

Le premier butage sera peu énergique, et la profondeur de terre qu’on amoncellera proportionnée à la hauteur des plantes. Le second se donnera à une plus grande profondeur, et aussitôt que l’on s’apercevra que la terre durcie par la première opération s’est tassée de nouveau ou a formé croûte.

Quelques précautions que l’on prenne on ne pourra jamais éviter que le butage à bras d’hommes n’exige des frais considérables. Cette méthode offre encore un autre genre de difficulté qu’on surmonte rarement. On sait que pour les travaux de cette nature l’à-propos a au moins autant d’influence sur les résultats que la bonne exécution ; on peut fort bien saisir l’instant propice pour commencer ; mais si un changement quelconque de température force à interrompre, on n’obtiendra qu’un succès partiel. Ce dernier inconvénient se rencontre principalement quand on a peu de bras à sa disposition.

II. Butage à la charrue. — Le butage au moyen de la charrue offre sur celui que nous venons de décrire, l’avantage de l’économie, de la célérité et de la perfection. En effet, lorsque les rangées de plantes sont à 27