Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/268

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Les réservoirs de pierres sèches et de terre sont formés d’un mur d’enceinte de gros quartiers de roches, autant que possible, d’un mètre ou d’un mètre et quart de largeur et de hauteur (fig. 371). En dedans on forme un talus de terre battue qui doit avoir environ 3 décimètres de plus de base que de hauteur. Quelquefois, en dehors on fait aussi un autre talus sans le battre. Le tout forme alors un glacis gazonné ou la continuation de la pente de la prairie. C’est presque un rempart pour la plupart de ceux qui liront ma description, mais sa masse n’a rien de choquant dans nos montagnes ; elle y est en harmonie avec le paysage, comme les pièces d’eau régulières et revêtues de marbre le sont au milieu d’un parterre élégant.

Lorsque la localité permet que le réservoir soit enfoncé dans la terre au niveau du sol, le mur devient inutile. Après avoir creusé le bassin de manière que ses parois soient perpendiculaires et qu’il ait plus de diamètre et de profondeur qu’on ne veut lui en donner, on forme dans l’intérieur un talus de terre battue, dont la base est à peu près égale à la hauteur, comme dans la précédente construction.

Pour faire cette sorte de pisé, on se sert d’un instrument représenté (fig. 372), qu’on appelle une masse. C’est un morceau de planche carré, de 4 décimètres de long sur 2,5 ou 3 de large et 7 centimètres d’épaisseur, au milieu duquel est un manche flexible de 8 décimètres de long, un peu courbé. Il faut deux ouvriers pour ce travail, un homme vigoureux habitué à masser, et un jeune homme pour le servir. Le premier entre dans le creux, et commence à battre fortement le fond ; il marche en tournant à reculons, soulève la masse à deux mains et frappe devant lui, en la dirigeant un coup de la main droite et un coup de la gauche. Pendant ce temps, l’aide remue le tas de terre tirée du creux pour l’ameublir, l’humecte, si elle est trop sèche, et en ôte les pierres. Lorsque la première battue est faite, le jeune homme avec une pelle jette un lit de terre dans le bassin, l’autre l’égalise sur toute la surface, de quatre doigts d’épaisseur, et il la bat pour la réduire de moitié et même plus. On fait une troisième battue de la même manière ; ensuite on mesure la base du talus, et l’on ne jette de la terre que sur ce cercle qui va toujours en diminuant à chaque couche. À mesure que le talus s’élève, on bêche les bords du réservoir, afin que les dernières assises de terre battue aient une certaine largeur. On finit par appliquer quelques bons coups de masse dans l’intérieur sur les parois et sur le fond, et l’on recouvre les bords en mottes gazonnées, en formant une rigole pour laisser couler le trop plein.

Pour arroser, ou faire vider les différens bassins dont j’ai parlé, on place au fond un arbre AB (voy. fig. 370 ci-dessus) percé d’abord de part en part, fermé du côté intérieur par un tampon, avec un trou évasé au dessus C, qu’on bouche au moyen d’un bâton CD. On sent la nécessité de cette disposition, l’épaisseur des parois ne permettant pas d’ouvrir et de fermer ces sortes de bondes par dehors. Si le Cévennois n’a pas de tarière pour percer un tronc d’arbre de longueur suffisante, il y supplée en le fendant, et en creusant dans les deux moitiés des gouttières qui se correspondent : il les lie avec des osiers et les dispose de la façon que j’ai indiquée.

Nous avons dans les Cévennes deux manières d’arroser les jardins potagers, dont l’agriculture peut aussi profiter : l’irrigation à raies, la meilleure sans contredit et la plus pratiquée ; elle est trop généralement connue pour la décrire ici.

Lorsqu’on ne sait pas, ou qu’on ne veut pas disposer les planches du potager pour les arroser en raies ; lorsque les légumes sont plantés sans ordre, et il en est qu’on ne peut pas mettre autrement, tels que les courges, les concombres, ceux qu’on ne transplante pas, comme les carottes, les épinards, etc., alors on creuse, de 10 en 10 pas et à chaque étage du jardin, s’il est en terrasse, de petits réservoirs dans la terre, d’un mètre de diamètre et d’un demi-mètre de profondeur ; on les fait tous communiquer par une rigole avec le réservoir principal, et avec une espèce de cuillère de bois ou écope, on jette en l’air l’eau qui les emplit, comme les bateliers vident celle qui entre dans leurs barques ; l’eau tombe en grosse pluie sur les plantes d’alentour. Nous représentons de face et de profil (fig. 373) l’instrument qu’on appelle azaïgadouire (du mot azaiga, arroser). La fig. 374 est une azaïgadouire en fer-blanc, plus chère, mais plus durable ; et la fig. 375 en représente une très en usage, qui ne coûte rien au paysan, faite avec une gourde, espèce de coloquinte.

Les fig. 376 et 377 représentent différentes