Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/307

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pour mettre en monceaux ou chevrottes tout ce qui est coupé et éparpillé, on doit cesser toute autre besogne pour se mettre à celle-ci avec ardeur. On doit avoir pour principe de ne laisser exposé à la rosée que ce qu’on ne peut soustraire à son influence.

Aussitôt qu’on s’aperçoit que le foin a acquis un degré suffisant de siccité, on s’occupe de le rassembler et de le mettre en monceaux. Si on l’enlève immédiatement, on peut se contenter de le disposer en bondins (fig. 397), qui ne sont autre chose que des prismes de foin disposés sur toute la longueur de la prairie. Si le fourrage est destiné à passer la nuit ou un espace de temps plus long, il est nécessaire de l’amonceler d’une manière plus régulière, et qui le mette à l’abri des accidens qui peuvent survenir. Moins le foin est sec, plus petits seront les monceaux, et vice versa. On les dispose souvent en mamelons, qui présentent la forme d’une demi-sphère. 11 serait bien plus avantageux de leur donner celle d’un cône alongé (fig. 398). La pluie a moins de prise, glisse sur les parois extérieures, pourvu que l’on ait pris la précaution de les rendre lisses au moyen du râteau.

Ce dernier instrument est celui que l’on emploie généralement pour rassembler le foin et le mettre en tas. Les Anglais connaissent, sous le nom de râfleur(fig. 399), un instrument qui fait économiquement la majeure partie de la besogne. Il se compose de deux traverses horizontales, maintenues entre elles, à la distance de trois pieds ou environ, par des montans verticaux, de sorte que l’assemblage imite assez bien le dos d’une chaise. Quatre chaînes attachées aux quatre coins se réunissent en un point où s’attache le palonnier. On conçoit que l’action d’une pareille machine, traînée par un cheval, doit être très-prompte, mais aussi très-imparfaite. Au total, pour que ces instrumens ne fonctionnent pas avec une telle défectuosité qu’on doive renoncer à les utiliser, il est indispensable que la prairie soit parfaitement nivelée.

On a quelquefois proposé, pour hâter la dessiccation des foins, de les étendre sur une sorte de claie ou treillage. Cette méthode serait assez dispendieuse pour l’achat des lattis, mais elle retrancherait toute main d’œuvre ultérieure. Un vice radical s’opposera toujours à l’adoption de ce mode, c’est que le fourrage est exposé à la pluie et à la rosée, et nous ne saurions trop répéter que l’humidité, de quelque part qu’elle vienne, est un agent puissant d’altération pour tous les fourrages.

La dessiccation n’est pas le seul moyen que nous ayons pour conserver les substances végétales. On a tenté, mais sur une trop petite échelle pour accorder pleine confiance à des essais incomplets, on a tenté, disons-nous, de faire, avec des herbages coupés verts, une sorte de chou-croûte, en empilant et tassant le produit des prairies avec des couches alternatives de sel. On sait que l’addition, en certaine proportion, de cette dernière substance, empêche toute fermentation et la putréfaction qui en est la suite. Il est hors de doute que le foin ne puisse ainsi se conserver indéfiniment. Mais quels silos, quelles constructions ne faudrait-il pas pour conserver une grande masse de fourrage ? L’excès du sel ne nuirait-il pas à la santé des animaux ? C’est un moyen, d’ailleurs, auquel il ne faut pas songer dans l’état actuel des choses. Le prix du sel permettrait tout au plus de faire quelques essais. — Ce n’est pas que le sel ne soit d’un grand secours pour paralyser les effets d’une dessiccation incomplète. Si l’on rentre du foin naturel ou artificiel qui ne soit pas assez sec, on fera bien, en l’entassant dans le grenier ou dans la meule, de saupoudrer chaque couche de sel gris ou de rebut de salines, lorsqu’on peut s’en procurer à bas prix. Ce procédé est préférable à celui qui consiste à saupoudrer le fourrage avarié immédiatement avant de le donner aux animaux. Le sel, dans ce cas, ne peut en détruire la mauvaise qualité, mais seulement la masquer, tandis qu’employé comme nous le conseillons, il prévient toute altération.

En Allemagne, on fait ce que l’on nomme du foin brun. Lorsque l’herbe est à moitié sèche, on la met en meule en la foulant et la tassant dans tous les sens. L’air extérieur n’a point de contact avec le fourrage. Il y a bien ensuite une sorte de fermentation, mais cette fermentation est lente, insensible et tout-à-fait analogue à celle qu’éprouvent les plantes agglomérées des sols tourbeux. Aussi le foin brun a beaucoup de ressemblance avec la tourbe, et pour le donner aux bestiaux, on est forcé de le couper en prismes avec un instrument tranchant. Le foin n’est pas du tout du goût des chevaux, mais, au dire de tous ceux qui en ont fait usage, les bœufs le préfèrent à tout autre, et s’engraissent promptement avec cette nourriture. On connaît peu en France cette manière de faire le