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AGRICULTURE : COMMUNICATIONS VICINALES ET RURALES.


les côtes des chemins pénètrent bientôt le sol et l’amollissent. D’ailleurs, l'emplacement de ces fossés, qu’il faut faire larges pour les rendre propres à cet usage, est un terrain perdu, et ils sont en outre un obstacle pour les communications avec les terres riveraines ; il vaut donc mieux écouler les eaux que de les arrêter dans des fossés formant réservoirs. On ne doit faire des fossés proprement dits, le long des chemins vicinaux, que comme moyen d’assainissement, dans les terrains bas et pénétrés d’eau ou marécageux. Dans toutes les autres parties, quand le chemin est au niveau des terrains voisins ou plus bas qu’eux, il suffit d’établir de petites rigoles évasées et peu profondes, dirigées suivant les pentes du chemin. Quand cette pente est modérée, il n’y a pas de difficulté ; mais il peut y en avoir quand le terrain sur lequel est assis le chemin a trop ou trop peu de pente ; s’il en a trop, les eaux ravinent ; s’il en a trop peu, les eaux séjournent. Nous allons indiquer les mesures à prendre dans ces deux cas.

Lorsqu’un chemin est situé dans une plaine ou sur un plateau, on ne peut le dégager des eaux qu’en donnant aux rigoles une pente artificielle. Pour cela on partage la partie de niveau en deux ; on établit l’origine des rigoles au point de partage, en ne creusant que très-peu au-dessous du bord du chemin : on augmente successivement la profondeur de ces rigoles, à mesure qu’elles s’éloignent du milieu, jusqu’au point où on peut les déverser sur les terrains voisins. Comme on peut donner jusqu’à 3 pieds de profondeur à leurs extrémités, on parvient aisément, par ce moyen, à assainir des parties horizontales de 5 à 600 mètres de longueur (fig. 487 ).

Fig. 487.

Quand l’étendue des parties de niveau est plus considérable, il faut recourir à un autre moyen. Alors on établit, de 500 mètres en 500 mètres, de chaque côté du chemin, des puisards qu’on doit creuser jusqu’à ce qu’on rencontre un sol perméable. Ces puisards deviennent des points de dégorgement. On y dirige des rigoles à profondeur croissante, comme celles dont nous venons de parler, dont les origines sont toujours placées au milieu des intervalles de deux puisards consécutifs ; de sorte que de chaque point milieu de ces intervalles partent deux rigoles qui conduisent les eaux, l’une au puisard de droite, l’autre au puisard de gauche, et on évite ainsi entièrement les eaux stagnantes, qui sont les plus nuisibles.

On doit avoir soin d’entretenir et de curer de temps en temps les puisards, parce que le limon des routes, qu’entraînent les eaux pluviales, bouche bientôt les cavités du terrain perméable de leur fond. Pour diminuer le plus possible cet effet, et éviter des curages trop fréquens, on peut employer deux moyens ; le premier est de former, à proximité des puisards, des bassins de dépôt de 2 ou 3 pieds de profondeur ; on fait communiquer les rigoles avec ces réservoirs ; les eaux perdant leur vitesse, y déposent la plus grande partie de leur limon, et sortent beaucoup moins chargées, par une ouverture peu profonde, qui forme déversoir de superficie, et qui communique avec le puisard. Le second moyen d’éviter les curages fréquens et surtout l’engorgement des puisards, est de garnir leurs fonds de pierres. On met les plus grosses au fond, on les couvre de pierres moyennes, puis de petites, et enfin d’un lit de gravier ou de sable. De cette manière, les eaux n’arrivent au fond que filtrées, et ne peuvent jamais engorger. Il suffit alors d’enlever de temps en temps le limon, et de renouveler deux ou trois fois par an le lit de sable ou de gravier. Le mieux est de réunir les deux moyens, c’est-à-dire d’établir les bassins de dépôt et les filtres en pierres graduées dans les puisards.

Les frais de curage des bassins et puisards ne doivent rien coûter, car les limons qu’on en retire sont ordinairement de bons engrais que les propriétaires riverains doivent recueillir volontiers pour les utiliser.

Quand la pente des rigoles est assez forte pour que les eaux creusent et ravinent, il faut les paver en forme de ruisseaux, avec les pierres du pays (fig. 488) ; ou bien, quand la rapidité est très-grande, former de distance en distance de petits barrages en grosses pierres, ou avec des pièces de bois, en ayant soin de mettre un petit massif de fortes pierres au-dessous de chaque barrage, pour résister à la chute des eaux et les empêcher de fouiller (fig. 489).

Un chemin vicinal exécuté suivant les procédés et avec les précautions nécessaires pour le préserver entièrement de la stagnation des eaux, peut, même sans chaussée, être d’un bon usage pour les voitures, pourvu qu’on l’entretienne convenablement. Cet entretien est facile et peu dispendieux, car il suffit : 1° de tenir en bon état les rigoles, fossés et puisards ; 2° de maintenir la régularité du bombement, en rechargeant avec du gravier ou de la terre dure les endroits qui s’affaisseraient ; et 3° de rouler de temps en temps pour raffermir le sol après les pluies