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liv. ier.
AGRICULTURE : COMMUNICATIONS VICINALES ET RURALES.

de mauvais travail, sous le prétexte d’obtenir des résultats plus prompts ; ainsi, il vaut bien mieux ne faire chaque année qu’un quart de lieue de bon chemin, que de faire des réparations grossières et imparfaites, ou de jeter, comme on le fait la plupart du temps, dans les ornières, de grosses pierres qui s’enfoncent dans la boue et rendent le chemin plus raboteux ; tandis qu’avec ces mêmes pierres cassées et bien employées, on peut faire une bonne route ; il n’y a d’ailleurs jamais urgence à faire la chaussée, puisqu’on peut toujours assurer une bonne viabilité sur un chemin en terre, convenablement réglé et bien entretenu.

Quand on n’a que de faibles moyens, il faut les appliquer d’abord et uniquement à détourner les eaux pluviales, et à empêcher qu’elles suivent le chemin, ou qu’elles y séjournent. Quand on peut faire un peu plus, on remplit les bas-fonds avec la terre la plus sableuse ou la plus graveleuse qu’on pourra trouver à proximité ; autant que possible pour former ces remblais, on prend les terres sur les hauteurs des pentes du chemin qui descendent au bas-fond, pour adoucir ces pentes en même temps ; puis il faut bomber le remblai et le couvrir de sable, de pierrailles ou de toute autre matière analogue que l’on pourra obtenir, le bien tasser et l’entretenir dans cet état jusqu’à ce qu’on puisse le couvrir d’une chaussée.

On ne doit jamais commencer une nouvelle amélioration sans avoir assuré complètement l’entretien de celles qui sont faites ; car on aura toujours une meilleure viabilité sur un chemin simplement en terre, exécuté avec soin, comme on l’a prescrit, et couvert d’une couche légère de sable ou de pierrailles, en l’entretenant avec soin, qu’avec une chaussée épaisse et exécutée à grands frais, qui ne serait pas entretenue.

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§ iii. — De l’entretien des chemins.

L’objet le plus important pour les chemins vicinaux, comme pour toutes les routes, est l’entretien. Ce travail n’est nullement difficile, mais il exige des soins constans, et c’est une des choses qu’on a le plus de peine à obtenir des ouvriers ; on ne peut y parvenir que par la surveillance active et journalière de personnes qui s’en occupent spécialement par devoir ou de bonne volonté ; mais, comme la bonne volonté est de sa nature facultative et temporaire, et attendu qu’il est difficile d’espérer un concours constant des personnes aisées, qui seules peuvent avoir du temps à consacrer à une surveillance gratuite, et qui rarement voudront s’assujettir à ces fonctions autant qu’il est nécessaire pour les bien remplir, il vaut généralement mieux, toutes les fois que les ressources pécuniaires des communes ou des cantons le permettent, en charger des personnes salariées, desquelles on puisse exiger des visites fréquentes et tous les soins que nécessite la direction et la surveillance constante de ce genre de travaux.

Le premier soin pour le bon entretien d’un chemin doit être, comme on l’a déjà dit, mais comme on doit sans cesse le répéter, d’assurer l’écoulement des eaux pluviales, et d’empêcher leur stagnation sur les côtés, en tenant constamment les rigoles bien curées. On peut charger de ce soin le garde champêtre. Il y a des communes où il remplit bien ces fonctions, moyennant un supplément de traitement de 50 francs par année. Ces travaux sont trop faciles à comprendre pour avoir besoin d’explication.

Entretien des chemins en terre. — Les travaux d’entretien des chemins proprement dits diffèrent suivant leur état et leur nature. Quand ils sont simplement en terre réglée et bombée convenablement, il ne s’agit que de faire disparaître les ornières à mesure qu’elles se forment, en rabattant les bourrelets dans les cavités. Quand on a laissé les dégradations s’accroître, il faut faire les premiers terrassemens de grosse réparation à la pioche et à la pelle, ce qui est long et dispendieux, ou mieux avec des instrumens conduits par des chevaux. On peut employer, pour couper et diviser les terres, une charrue légère ou une houe à cheval, ou bien encore un cultivateur. Quand il ne s’agit que de combler les ornières en y rabattant les bourrelets qui les bordent, on peut se servir avec beaucoup d’avantage d’un instrument simple et peu dispendieux, en forme de chevron, dont il convient de lui donner le nom. Il se compose de deux fortes pièces de bois de 3 mètres (9 pieds) de longueur chacune, assemblées, d’un côté, par une traverse d’un mètre, et réunies du côté opposé, par l’assemblage de leurs extrémités, fortifié au moyen d’équerres en fer. On attèle sur la traverse un cheval qui marche dans l’ornière à combler (fig. 490). L’ouverture de l’angle que forment les deux pièces marche en avant et embrasse l’ornière et ses bourrelets, et son sommet marche en arrière directement au-dessus de l’ornière. Les faces qui frottent sur le sol sont garnies intérieurement de deux lames de fer saillantes pour couper les bourrelets ; les faces verticales intérieures poussent, au moyen de leur inclinaison, ces terres divisées dans l’ornière, et l’angle, en passant par-dessus, les force à y entrer. Une caisse ouverte est fixée sur le milieu des deux pièces du chevron, pour augmenter, au besoin, sa pression sur le sol, au moyen d’une charge de terre ou de pierres qu’on met à volonté dans cette caisse. Il est facile de juger que ce moyen d’exécution est beaucoup plus économique que le rabattage des bourrelets à la main.

Soit que le rabattage se fasse par l’un ou par l’autre procédé, il ne suffit pas, parce que des terres ainsi ameublies et divisées, ayant peu de consistance, sont bientôt creusées de nouveau ou rejetées de côté par les roues, surtout si le temps est humide ou très-sec,