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liv. ier.
AGRICULTURE : DES CEREALES ET DE LEUR CULTURE SPÉCIALE.

connaît aux caractères suivans : racine fibreuse, annuelle ; tige herbacée, dressée, haute d’un pied ou deux, cylindrique, glabre, légèrement pubescente à l’articulation de chaque feuille, rameuse, rougeâtre dans sa partie inférieure ; feuilles très-distantes entre elles, cordiformes, aiguës, un peu sinuées et portées sur des pétioles longs d’un pouce à trois ; fleurs blanches, disposées à aisselle des feuilles en épis courts et serrés, dont les supérieurs, plus courts que les inférieurs, forment une sorte de corymbe terminal ; calice persistant, divisé supérieurement en cinq lobes ovales ; cinq étamines en dehors des tubercules du disque, et trois en dedans ; anthères globuleuses, rougeâtres ; ovaire comme pyramidal et triangulaire ; fruit d’un noir pâle, à trois angles fort saillans. — On croit que le sarrasin est originaire de la zone tempérée de l’Asie, où sa culture est assez répandue, et d’où il nous a été apporté à l’époque des Croisades suivant les uns, vers la fin du xve siècle suivant les autres. Aujourd’hui, il est naturalisé dans tout le centre et le midi de l’Europe.

Une autre espèce, que, depuis quelques années, les agronomes ont tenté d’introduire dans la grande culture, est le Sarrasin de Sibérie ou de Tartarie (Polygonum Tataricum), (fig. 562), qui diffère du premier par ses graines plus dures, plus petites, munies de dents sur leurs angles, et par ses tiges plus jaunâtres, plus fermes et plus ramifiées. On dit qu’il a sur son congénère l’avantage d’être plus rustique, plus vigoureux, plus précoce, plus productif ; d’exiger moins de semence, et de donner un grain plus pesant, plus facile à vanner, qui acquiert de la qualité en vieillissant ; mais son grain s’échappe encore plus facilement du calice, et se moud plus difficilement ; la farine qu’on en retire est noirâtre, plus rebelle que celle du sarrasin ordinaire à la fermentation, et amère. Il est vrai qu’on attribue cette amertume à l’écorce du grain, et qu’on pourrait vraisemblablement la faire disparaître par un procédé de moulure qui séparerait exactement la farine de l’écorce. Quant au produit, il a été de plus de 80 p. 1 dans les essais de MM. de Turmelin et Martin, de l’Isère, insignifiant, au contraire, dans ceux de Thaer.

Le tissu du sarrasin est tendre et aqueux ; il se décompose promptement quand on l’enfouit. Dans 100 parties en poids de paille sèche de sarrasin, le professeur Sprengel a trouvé 22, 600 de matières solubles dans l’eau ; 23, 614 de matières solubles dans une lessive alcaline caustique ; 0, 900 de cire et de résine ; 52, 886 de fibre végétale. L’extrait aqueux ne contenait que quelques traces d’albumine, beaucoup d’acide libre ou d’un sel végétal acide, peu de gomme et beaucoup de mucilage ; la saveur de cet extrait était fortement acide, âcre et astringente ; les cendres de la paille de la même plante contenaient, comparativement aux autres plantes ordinairement employées comme engrais, beaucoup d’acide phosphorique, d’acide sulfurique, de chlore, de soude et surtout de magnésie. Les expériences de Vauquelin lui ont indiqué, dans la paille de sarrasin, 20 à 30 p. 100 de carbonate de potasse. Sprengel, au contraire, n’a obtenu de 100 parties en poids de la paille réduite en cendres, que 0, 332 de potasse caustique.

Les fleurs du sarrasin, nombreuses et odorantes, s’épanouissent successivement, et, par conséquent, leurs graines n’arrivent pas toutes en même temps à leur maturité. Cent parties de ces graines, analysées par le professeur {{sc|Zenneck}, lui ont donné les résultats suivans : 26.94 fibre végétale ; 52, 29 fécule ; 10, 47 gluten ; 3, 06 matière extractive avec sucre ; 2, 53 matière extractive oxigénée ; 0, 36 résine, et 0, 22 albumine. La farine de sarrasin a une saveur propre, qui paraît plus développée dans les pays granitiques (Bosc).

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§ ier. — Usages du sarrasin.

Le sarrasin est susceptible de recevoir quatre destinations différentes. Il peut servir à la nourriture de l’homme, à celle des bestiaux, à celle des abeilles, et à l’engraissement du sol.

Son grain seul est consommé par l’homme. La farine qu’on en tire est convertie en bouillie, en galettes, en gâteaux, d’une faculté nutritive assez grande, et qui ne causent pas d’aigreurs sur l’estomac. En temps de disette, de même que dans les pays pauvres, comme, par exemple, la Bretagne, on en fabrique aussi du pain. Ce pain lève mal, et cependant, à en juger par l’analyse du professeur Zenneck, le blé noir n’est guère moins riche en gluten que le froment. Faut-il conclure de là, avec ce professeur, que si l’on appliquait à la mouture du sarrasin un meilleur mécanisme, sa farine, qui, d’ailleurs, donne à peu près le même produit que le seigle en