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chap. 15e
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DU RIZ.

manité, au lieu d’encourager cette culture, on tendrait à la réduire.

Les grands travaux nécessaires pour niveler le sol des rizières et y amener les eaux d’une manière régulière, ne permettent pas ce genre de culture aux paysans, ni aux petits propriétaires. En Piémont, ils restent tout-à-fait étrangers à la culture des rizières, qui sont ordinairement des propriétés d’une vaste étendue, situées dans des contrées où la population est rare et chétive, et qui appartiennent à de riches citadins. Ceux-ci en confient la direction et la surveillance à des régisseurs qui font exécuter tous les travaux de culture comme de récolte, par des étrangers ; ceux-ci arrivent à cet effet de diverses contrées, aux époques convenables.

Pour L’agriculture française, le riz n’offre un grand intérêt que par l’étendue que sa culture pourrait prendre sur le territoire d’Alger, où il existe de vastes plaines d’un terrain fertile et facilement irrigable, et où la population, peu considérable dans certaines localités, aurait peu à souffrir de l’insalubrité des rizières. Peut-être aussi pourrait-on l’introduire, sans de grands dommages pour la santé publique, dans quelques contrées du midi de la France, qui trouveraient ainsi un emploi plus productif que par la végétation des mauvais herbages et des roseaux qu’elles fournissent.

§ III. — Culture du riz.

Le climat exigé par le riz ne permet pas à cette culture de dépasser avantageusement vers le nord le 45e ou le 46e degré de latitude ; il faut, en effet, au riz, pour bien fructifier en Europe, une température élevée pendant 4 à 5 mois au moins. Il demande aussi, autant que possible, une exposition méridionale et une situation qui ne soit pas ombragée.

Le terrain préféré par le riz est gras, humide et naturellement fertile. Le sol des rizières est souvent assez riche par lui-même et par la décomposition des matières animales et végétales, sans cesse activée par l’action de l’eau, pour permettre la culture du riz sans engrais pendant plusieurs années de suite. Il est même des sols si riches qu’on risquerait d’y voir verser le riz, ce qui anéantirait la récolte. On lui fait alors succéder d’autres céréales, et surtout le maïs ou le sorgho. Il est des rizières où le riz est cultivé sans interruption ; dans d’autres, tous les 4, 5 ou 6 ans, on le soumet à une année de jachère, pendant laquelle on fume ou bien on adopte un assolement qui intercale de loin en loin le maïs et le chanvre. Du reste, les engrais sont rarement inutiles de temps en temps, si ce n’est sur les terrains trop féconds, et ils deviennent très-avantageux sur ceux de médiocre qualité.

Environné de toutes parts d’eau qu’il faut renouveler constamment, le riz y pompe presque toute sa nourriture, en sorte qu’il épuise très-peu le sol. Son propre feuillage et la présence de l’eau préviennent aussi très-efficacement l’évaporation des principes fertilisans et la propagation des herbes. Il en résulte que toutes les récoltes qui succèdent immédiatement à celles du riz, sont nettes, abondantes et très-avantageuses, et qu’on peut prolonger la culture du riz sur le même sol, pendant plusieurs années consécutives, avec plus d’avantages et moins d’inconvéniens que pour la plupart des autres graminées.

Quoique le riz préfère un terrain riche, il peut cependant donner de bons produits sur un sol peu fertile, pourvu que sa couche inférieure lui fasse retenir à sa superficie l’eau et les matières fertilisantes. On dit que cette plante est très-productive sur les terrains salés, ce qui peut rendre sa culture avantageuse sur certaines laisses de mer.

Les eaux préférables pour les rizières sont celles de rivières, puis celles des étangs, lacs, mares ou marais ; celles de sources ou de puits sont pour le sol européen les moins convenables, comme les plus fraîches et les moins propres à la végétation ; lorsqu’on est obligé d’y avoir recours, on doit les améliorer par un séjour dans des réservoirs bien découverts et peu profonds, et même en y mêlant des engrais animaux.

Le sol des rizières doit être labouré pour ameublir la terre, et permettre aux racines d’y pénétrer. Mais les labours ne doivent pas être profonds, surtout dans les terrains médiocres.

Ainsi, la culture du riz ne peut être établie que dans un bon sol ; — disposé en plaine ou en pente douce, afin de rendre facile l’entrée et l’écoulement de l’eau ; — voisin d’une rivière ou de tout autre dépôt d’eau favorable ; — écarté le plus possible de toute plantation qui nuirait au riz en l’ombrageant et l’exposant davantage aux dégâts des oiseaux et autres animaux : — enfin, convenablement préparé par des labours et des engrais.

Avant de procéder aux semis, une préparation particulière aux rizières consiste à diviser le sol en compartimens à peu près égaux, carrés et contigus, dont l’étendue doit être proportionnée à la pente plus ou moins forte du terrain, et est généralement, dans la Catalogne et le royaume de Valence, de 15 à 20 pi. de côté. Ces planches sont séparées les unes des autres par de petites levées ou chaussées en terre, en forme de banquettes, dont on proportionne la hauteur et l’épaisseur au volume d’eau qu’elles doivent renfermer, mais qui ont généralement 2 pieds d’élévation sur 1 de large. Ces banquettes permettent de parcourir les rizières en tout temps à pied sec, et de retenir les eaux à volonté ; elles sont percées d’ouvertures opposées, pour l’introduction et l’écoulement des eaux. Le sol des planches doit être aplani et bien nivelé, afin que l’eau se maintienne partout à une égale hauteur.

L’époque favorable pour les semailles est ordinairement en avril pour les nouvelles rizières, et seulement au milieu de mai pour les anciennes, dont le sol, refroidi par une inondation longtemps prolongée, a besoin d’être réchauffé par l’action des rayons solaires auxquels il faut le laisser exposé. Au moment de semer, on fait pénétrer l’eau, et lorsqu’elle est uniformément répandue à peu de hauteur, on y entre pieds nus, et on sème à la volée comme pour le froment. En Asie, on sème souvent en rayons ; et dans l’Inde comme en Chine, et ailleurs, généralement