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chap. 17e.
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DES POMMES-DE-TERRE.


ensuite, afin que ce dernier, qui attire puissamment l’humidité et contracte avec elle une grande adhérence, tienne les racines toujours fraîches. C’est surtout dans les terres très-calcaires que cette dernière méthode a de bons résultats.

Quelques cultivateurs vantent beaucoup la fumure en couverture. L’engrais, disent-ils, exerce son action, non seulement sur les pommes-de-terre, mais encore sur les autres plantes de la rotation. On l’emploie surtout dans les sols très-secs ; le fumier se conduit lorsque les premières pousses sortent de terre, et après le hersage qu’on leur donne à cette époque. La fumure superficielle a surtout cet avantage qu’on peut planter les pommes-de-terre quand même on n’aurait pas pour le moment de fumier à sa disposition.

Dans les contrées où l’on peut se procurer facilement et à bon compte des chiffons de laine, on ne saurait les employer plus utilement qu’à la récolte des pommes-de-terre. On entoure d’un lambeau chaque tubercule au moment de la plantation. C’est un engrais très-puissant.

§ VI. — Préparations du sol.

La nature et la forme des produits de la pomme-de-terre exigent un sol meuble. Que cet ameublissement provienne de la composition même de la terre ou des préparations qu’on lui fait subir, toujours est-il indispensable. Le nombre de labours requis pour arriver à ce résultat ne peut être déterminé d’une manière absolue. On en donne communément 3. Dans les sols bien préparés par les cultures antérieures, on peut n’en donner que 2, tandis que dans ceux qui sont tenaces ou infestés d’herbes parasites, 4 peuvent à peine suffire. Les Flamands, dit Schwertz, ne se contentent pas d’un labour profond dans les sols pesans ; ils en donnent deux : plus tôt le premier est exécuté, mieux cela vaut. Dans le Brabant, où en général les charrues ne sont attelées que de deux chevaux, elles le sont alors de quatre, et pénètrent à une profondeur de 15 à 16 pouces dans les terres sablonneuses. Mais jamais on n’enfouit le fumier à une aussi grande profondeur.

Dans l’hypothèse où l’on donne trois labours, le premier s’exécute avant l’hiver et à une grande profondeur (8 à 9 pouces au moins) ; le second, un peu moins profond, lorsque les vents desséchans du printemps permettent de le faire ; enfin le troisième, au moment de la plantation. Ce dernier couvre les tubercules de semence et enterre les engrais. A ceux qui douteraient de l’efficacité de labours aussi profonds, nous pourrions citer les expériences de M. de Voght. Ce célèbre cultivateur, à la suite de ses essais, a été amené à conclure que si le produit d’un terrain labouré à 10 pouces est représenté par 100, celui du même terrain labouré à 15 pouces le sera par 131.

Quant à la profondeur du dernier labour, on se tromperait étrangement si l’on pensait qu’elle doit être égale à celle du premier ou du second. Suivant le même expérimentateur, des pommes-de-terre plantées à deux pouces rapportèrent 27 p. 100 de plus que celles qui l’avaient été à 6. Néanmoins, comme un labour de deux pouces s’exécute difficilement avec une certaine perfection, surtout lorsque l’on enfouit simultanément le fumier ; comme, d’un autre côté, une profondeur de deux pouces ne soustrairait pas les racines à l’influence nuisible de la sécheresse dans nos climats, on croit généralement que le dernier labour ne doit pas dépasser quatre pouces ni rester en-deçà.

§ VII. — Plantation des tubercules.

I. Avec des instrumens à main. Ce mode n’est usité que dans la petite culture. Il s’exécute soit avec la houe, soit avec la bêche. Ce dernier instrument est toujours le plus convenable. Lorsque la surface du sol a été bien ameublie par les labours, les hersages et les plombages, un ouvrier ouvre, sur une largeur déterminée de la pièce, une rangée de trous. Un enfant tenant un panier rempli de tubercules en dépose un dans chaque trou. Cela fait, l’ouvrier, faisant un pas en arrière, ouvre une seconde série de trous parallèle à la première. La terre extraite de cette seconde rangée sert à couvrir les tubercules de la première. Faisant encore un pas en arrière, il ouvre une troisième rangée de trous, et la terre qui en sort sert immédiatement à combler les trous de la seconde série. Ce procédé est bien préférable à celui qui consiste à ouvrir d’abord des trous sur toute la surface du terrain, à déposer ensuite dans chacun d’eux la pomme-de-terre de semence, puis enfin à les combler.

La plantation avec des instrumens à main donne beaucoup de facilité pour placer les pommes-de-terre à une distance et une profondeur déterminées. C’est la seule employée dans les jardins et les marais. Lorsqu’on veut obtenir des primeurs, on plante également à la main. On aura laissé auparavant les tubercules dans un lieu éclairé et à l’abri du froid ; aussitôt que les yeux se tuméfient et annoncent un commencement de végétation, on plante dans un champ abrité. Au lieu de recouvrir totalement les trous à mesure qu’on ouvre la seconde rangée, on ne les recouvre que partiellement, en dirigeant avec la bêche la plus grande partie de la terre vers le nord.

De cette manière, les vents froids, les gelées qui peuvent survenir à une époque rapprochée de l’hiver, n’ont aucune prise sur la plante qui pousse ses jeunes feuilles dans la cavité, et qui est d’ailleurs abritée par le monticule qu’on a formé. Un peu d’exercice a bientôt appris à l’ouvrier le plus inexpérimenté à saisir le coup de main nécessaire pour couvrir à la fois le tubercule et former le monticule.

II. Avec les instrumens aratoires. — Pour la plantation des morelles avec des instrumens conduits par les animaux, on se sert de la charrue ou du binot comme en Saxe. C’est donc à la fois une opération préparatoire et une opération de semaille. La plantation des pommes-de-terre ne s’exécute nulle part avec plus d’ordre, de méthode et

agriculture.
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