Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/478

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temps la première croissance des végétaux d’une plus longue durée, et lorsqu’elles commenceraient à les gêner dans leur développement, elles tombent sous la faulx sans avoir eu le temps de répandre leurs graines. Ajoutons que, tandis qu’elles procurent par leurs fanes une utile récolte, elles laissent encore dans le sol quelques débris qui devront, en se décomposant, tourner au profit de la végétation des années suivantes.

Quand on veut établir un herbage temporaire, avant de choisir les végétaux qu’on pourra faire entrer dans sa composition, il faut être d’abord à peu près fixé sur la durée qu’il devra avoir. Il serait également fâcheux, en effet, de cultiver des plantes qui ne donneraient pas encore le maximum de leurs produits lorsqu’il faudrait les détruire, ou qui dépériraient avant l’époque fixée pour le retour des cultures économiques ; — de remplacer, par exemple, dans l’assolement quadriennal le trèfle par le sainfoin ou la luzerne et, dans un assolement qui comporte un herbage de 5 à 6 ans de durée, le sainfoin par le trèfle ; l’agrostis d’Amérique ou la fétuque élevée par l’ivraie d’Italie, etc., etc. — Il y a donc place dans la bonne culture pour les herbes fourragères de quelques années d’existence seulement, comme nous venons de voir qu’il y en avait parfois pour les herbes annuelles ; en pratique, leur importance est même très-grande. — Le trèfle, quoique vivace, est traité presque partout, avec grande raison, comme s’il n’était que bisannuel au tout au plus trisannuel, parce que, dès la 3e année il est rare qu’il ne se dégarnisse pas. Mais aussi, dès l’année qui suit le semis, on sait combien il est fourrageux. — Ce seul exemple suffit.

Lorsqu’il s’agit plus spécialement des pâturages permanens, la longue durée des plantes qui les composent est une condition première de succès. Cette durée peut s’obtenir, soit en faisant choix d’espèces naturellement très-vivaces, comme la fétuque élevée, l’agrostis d’Amérique, le thymothy, etc. ou d’espèces qui se régénèrent facilement par suite de la disposition de leurs racines à tracer ou de leurs tiges à pousser de nouvelles racines de chacun de leurs nœuds inférieurs, telles que les fétuques traçante et flottante, le fiorin, etc., etc., soit en mélangeant plusieurs espèces différentes, ce qui présente, lorsque le choix est fait avec discernement, d’assez nombreux avantages, car non seulement la disposition différente des tiges et des racines, l’élévation et la profondeur plus ou moins grandes auxquelles parviennent les premières ou pénètrent les secondes, font que le terrain peut nourrir un plus grand nombre de plantes et se trouve mieux garni à sa surface, de sorte que les produits sont plus considérables, mais encore que la somme totale de ces produits est moins dépendante de la variation des saisons, et qu’enfin l’herbage est infiniment plus durable, attendu qu’il s’établit entre tous les végétaux une sorte de rotation telle que ce sont toujours ceux qui se trouvent dans les circonstances, pour eux les plus favorables, qui dominent alternativement les autres.

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§ vi. — Du choix des plantes fourragères eu égard à leurs qualités nutritives.

Quoiqu’il y ait parmi les chimistes quelque divergence d’opinion sur les propriétés plus ou moins nutritives de telles et telles substances qui entrent dans la composition des végétaux, telles, par exemple, que le principe amer que Sprengel considère, à cause de l’azote qu’il contient, comme l’un des plus nourrissans, après l’albumine, et que Davy croit, au contraire, devoir être rejeté, dans les excrémens, avec la fibre ligneuse ; — sur l’importance plus ou moins grande, dans l’acte de la nutrition, de divers sels, notamment de l’hydrochlorate de soude ou sel marin, et du phosphate de chaux, qui abonde dans les os des animaux ; — enfin, sur celle des acides, tels que les acides hydrochloriques, phosphoriques, etc., et des nombreux corps simples qu’on retrouve en petites quantités dans les cendres végétales, comme la soude, la potasse, la chaux, la magnésie, la silice, le fer et la manganèse. — Il est un point sur lequel on est généralement d’accord, c’est que, plus les plantes possèdent de substances solubles, plus elles sont nutritives.

« Si l’on veut connaître avec exactitude, dit Sprengel, la valeur d’une plante comme fourrage, il faut, dans les analyses, considérer, avant toute chose, la quantité en poids de l’eau et de la fibre végétale en raison de celle des autres substances qui s’y trouvent, puis la quantité des parties incombustibles nutritives, comme le sel marin, le phosphate de chaux, etc., et enfin, celle des parties incombustibles qui ne servent pas, ou presque pas, à la nutrition, comme la silice, l’alumine, etc. — Il est important de connaître la quantité d’eau et de fibre végétale, parce qu’une trop grande proportion de l’une peut occasioner la pourriture aux moutons, et que l’autre résiste en grande partie à la digestion. — Il faut que les plantes destinées au pâturage des moutons soient riches en sel commun, en principe amer, en arome, en phosphate de chaux et en substances contenant de l’azote ; — les premières de ces substances conservent l’énergie des organes digestifs, les autres contribuent beaucoup à la production de la laine, de la viande, etc.

» Les plantes qu’on destine au gros bétail, et surtout aux vaches laitières, peuvent contenir une plus grande quantité d’eau que pour les moutons, puisque l’eau contribue à la formation du lait. Outre cela, il faut qu’elles contiennent les matières que nous trouvons dans le lait, c’est à-dire la soude, le chlore, le soufre, le phosphore, la potasse, le carbone et l’azote. On voit ordinairement les vaches donner une plus grande abondance de lait après avoir mangé des plantes contenant un suc laiteux et amer, mais non acre, comme plusieurs espèces de plantes de la famille des composées, par exemple, le pissenlit, l’hypocheoris, le laitron. Plus ce suc laiteux est riche en substance saccharine, en albumine, en gluten, en gomme, en mucilage, en phosphate de chaux, en sel marin et en hydrochlorate de potasse, plus il convient à la production au lait. Les plantes