Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/479

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dont le suc laiteux est âcre, comme l’euphorbe sont dangereuses. »

Il ne faut pas croire que la substance soluble soit identique dans toutes les plantes, et que la proportion de ses parties constituantes ne varie pas, dans le même végétal, eu égard à diverses circonstances, parmi lesquelles on doit placer en première ligne l’époque plus ou moins avancée de la végétation. Ainsi, l’albumine abonde dans certaines herbes, parmi lesquelles je citerai le pied d’oiseau (ornithopus perpusillus) et le pissenlit (leontodon taraxacum) ; — dans d’autres, comme les graminées, c’est le mucilage  ; — dans plusieurs, telles que le boucage saxifrage (pimpinella saxifraga), la lupuline (medicago lupulina), ce sont la gomme et le mucilage ; — dans quelques-unes, par exemple l’élyme des sables (elymus arenarius), la matière sucrée domine, etc., etc. Ainsi encore, d’après les nombreuses expériences qui ont été faites sur les graminées, sous les auspices du duc de Bedfort, par les soins de G. Sinclair et de Davy,on voit que la matière saccharine est plus considérable au commencement de la floraison, et le mucilage pendant la maturation des graines, tandis que les principes amers et les ingrédiens salins abondent dans les récoltes de regain. De sorte qu’en théorie, avant de faire choix d’une plante fourragère, il faudrait non seulement connaître sa composition chimique, mais savoir encore si, par suite de sa disposition physique, elle se prêtera à être consommée au moment où elle contient le plus de parties favorables à la nutrition, ce qui ne peut avoir lieu que pour un certain nombre de végétaux, attendu qu’il en est beaucoup dont le foin cesse alors d’être mangeable, soit parce que la fibre ligneuse devient trop roide, soit parce que les enveloppes florales et les arêtes qui les accompagnent prennent assez de consistance pour gêner plus ou moins les bestiaux pendant la mastication.

Il est certain que les plantes vertes, déduction faite de la quantité d’eau de végétation qu’elles renferment, quantité telle qu’elle peut quelquefois occasioner de graves désordres dans la santé des animaux, contiennent, à poids égal, moins de parties nutritives que les plantes arrivées au moment de la floraison, et celles-ci généralement moins que les plantes déjà plus avancées dans la maturation. Ici les découvertes de la science sont parfaitement d’accord avec les données de la pratique, et cette coïncidence est d'une haute importance pour la formation des prairies, comme on le verra ailleurs. Dans les pâturages, toutes les plantes étant consommées en vert, il n’y a plus lieu de s’occuper de cette circonstance, mais il reste toujours à étudier comparativement les qualités nutritives des diverses espèces. Cette étude, ainsi que je l’ai déjà dit, a été faite avec soin pour les graminées, en Angleterre, dans le jardin du duc de Bedfort ; — elle l’a été aussi pour grand nombre de plantes de familles différentes, en Allemagne, par Sprengel. — Je crois utile de reproduire ici, en les présentant sous une forme un peu différente, une partie, non pas des analyses, mais seulement des résultats des analyses qui ont été faites dans ces deux pays, sans leur donner toutefois plus d’importance qu’elles n’en doivent raisonnablement avoir dans l’état actuel de nos connaissances chimiques[1].

Parmi les diverses graminées herbagères qu’on rencontre le plus habituellement dans les prés et les pâturages naturels et artificiels, celles qui paraissent, à l’état de dessiccation ou de foin, contenir à poids égal le plus de parties nutritives, sont divers pâturins, entre autres celui des '"bois"" ou à feuilles etroites, et le poacomprimé, dont on fait peut-être trop peu de cas en France ; le pâturin commun contient moins de parties solubles, et il en est de même de celui des prés, surtout lorsqu’on le laisse sur pied jusqu’à la floraison. — A côté des pâturins et sur la même ligne, se trouve la fléole des prés lorsqu’on la fauche déjà en graines ; — l’élyme des sables, trop ignoré comme fourrage vert ; — la fétuque élevée de toutes la plus riche en parties nutritives ; puis celle des prés, la houque odorante, la houque molle et la houque laineuse ; la cretelle et quelques bromes, tels que le stérile, le brome sans arêtes et la floue odorante, fauchés, les deux premiers, lors de l’épanouissement de leurs premières fleurs, la 3e à l’époque de la fructification ; viennent ensuite : le pâturin élevé, le dactyle pelotonné, les fétuques durette et glauque, la brize, l’avoine jaunâtre, l’orge des prés, l’agrostis stolonifère, etc. — En 5e ligne se trouvent l’ivraie vivace, le pâturin commun, l’avoine des prés ; quelques aira, le chiendent, le brome élevé, l’agrostis des chiens, etc. — Enfin, d’après les mêmes auteurs, le fromental et l’avoine pubescente, la canche flexueuse, la fétuque flottante et la mélique bleue, se-

  1. Voici comment ont opéré les deux chimistes anglais et allemand : — Davy, après avoir soumis à l’action de l’eau bouillante seulement les herbes, soit vertes, soit sèches, jusqu’à ce que toutes les parties solubles fussent enlevées, fit ensuite filtrer la liqueur pour en séparer la fibre ligneuse et l’évaporer ensuite à siccité ; le résidu solide de cette évaporation lui paraissant renfermer d’une manière suffisamment exacte la masse de la matière nutritive qu’il désirait connaitre. — Prengel, afin d’arriver à plus de précision, a cherché combien de substance on pouvait extraire des plantes préalablement desséchées et pulvérisées, en les traitant au moyen de l’eau, de l’alcool et d’une lessive alcaline caustique. — D’après le premier procédé, il est probable que toutes les parties rendues ordinairement solubles par suite de la mastication et de la digestion ne furent point enlevées par l’eau ; — d’après le second, on doit penser que le contraire eut lieu, c’est-à-dire qu’il y eut plus de matières dissoutes à l’aide des procédés artificiels employés par l’expérimentateur qu’il n’y en a naturellement dans l’estomac des animaux ; mais, comme les analyses furent faites de la même manière pour chaque série de végétaux, on peut croire, sinon à leur précision rigoureuse, au moins à leurs résultats comparatifs, les seuls que j’aie eu l’intention de présenter ici. j’ajouterai toutefois que, pour arriver à cet égard à des données suffisamment exactes, il faudrait connaître mieux qu’on ne le fait la nature des réactions chimiques qui ont lieu dans les divers organes de chaque espèces d’herbivores et notamment des ruminans. O. L. T.