Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/489

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le premier cas, à des rigoles d’écoulement habilement dirigées ; dans le second, à des puisards ou puits perdus (voy. p. 136 et suiv.).

Quant aux irrigations, elles peuvent avoir lieu, comme on l’a vu, par submersion, par infiltration, et quelquefois par suite du rejaillissement des eaux. Le premier et le troisième moyens ne sont applicables que dans un certain nombre de localités privilégiées ; le second l’est, du plus au moins, à peu près partout ; car, à défaut de cours d’eau naturels, on peut en créer, au moins momentanément, d’artificiels. J’ai souvent été surpris de voir combien peu on ménageait les eaux des pluies sur une foule de terrains en pente, que les orages sillonnent en tous sens, sans que l’humidité ait le temps de pénétrer à une profondeur assez grande pour s’y conserver au profit de la végétation, ou, en adoptant l’expression énergique des habitans de nos campagnes, pour en fondre la couche végétale jusqu’au sous-sol. — Dans les Vosges, on ne perd pas une goutte du précieux liquide. Voici comment M. le baron Roguet rend succinctement compte de la manière dont on s’y prend sur les montagnes d’une pente rapide : « On construit successivement, à partir du plus haut du terrain, des rigoles parallèles, d’autant plus rapprochées les unes des autres, et d’autant moins inclinées que le sol est plus escarpé. Quelquefois même, un bourrelet de terre, en contrebas de chaque rigole, offre un meilleur obstacle aux eaux qui, retenues de gradins en gradins, s’écoulent lentement sans écrêter le sol, de manière qu’on puisse arroser autant de fois et aussi longtemps qu’il est nécessaire. — Les rigoles dont il est question sont à la fois rigoles d’arrosage et de dessèchement. Ou leur donne habituellement un fer de bêche de large et de prolondeur. »

Sur les terrains plats et humides, on dirige les rigoles non plus perpendiculairement, mais parallèlement ou obliquement a la pente ; enfin, les terrains de pente moyenne exigent concurremment l’emploi des procédés de dessèchement et d’arrosage utilisés sur les pentes escarpées et sur les terrains plats. Lorsque ces terrains sont situés de manière qu’on puisse les faire profiter des eaux produites accidentellement sur une partie du plateau supérieur, et qui s’écoulent presque toujours en pure perte par les chemins qu’elles creusent et dégradent, les résultats sont tels qu’on doit faire des vœux pour qu’ils soient appréciés partout comme ils le sont dans le pays que je viens de citer. « Là, ajoute M.  Roguet, un canal supérieur, n’ayant qu’une très-légère inclinaison, retient les eaux des parties les plus élevées ; des rigoles de dessèchement, tracées en guise de ruisseaux secondaires le long des parties creuses du sol jusqu’au ruisseau au fond de la vallée, déchargent dans celui-ci, pendant les temps humides, l’excédant du canal-réservoir ; des maîtresses rigoles creusées le long des arêtes du terrain, et communiquant avec les rigoles de dessèchement par des rigoles d’arrosage, très-légèrement inclinées, permettent, pendant les sécheresses, de faire successivement séjourner aussi longtemps qu’il est nécessaire, les eaux tirées du canal-réservoir sur les zones de la partie à arroser. Cette opération n’exige d’autre manœuvre que celle de fermer avec une pierre les rigoles maîtresses (celles d’écoulement l’étant à leur origine), immédiatement au-dessous de la rigole d’arrosage que l’on veut remplir pour humecter la petite bande de terrain inférieure et juxtaposée. » — Les rigoles maîtresses ont 1 pied d’ouverture, plus ou moins, suivant l’abondance des sources ; leur nombre et leur tracé sont, comme on le conçoit, fixés par la configuration du sol.

Dans beaucoup de lieux, et cette pratique devrait être encore plus générale, les cultivateurs industrieux ont bien soin d’attirer vers leurs pâturages ou leurs prairies les eaux surabondantes des pluies. Ils les reçoivent en masses souvent assez considérables, dans des mares ou bassins creusés partout où se dirige la pente du terrain. Lorsque cela se peut, ils les retiennent à la partie supérieure des prés, par des barrages peu dispendieux, et celle excellente méthode, qui leur permet parfois d’activer, après la fauchaison, la végétation des regains, les met encore à même, lors du curage qui suit l’écoulement, d’amasser, pour la réunir l’année suivante aux composts, une bonne quantité de terre riche en parties nutritives, et toujours très-propre à cette destination.

De tous les pâturages, les plus mauvais sont ceux qui reposent à peu de profondeur sur un sous-sol imperméable, qui restent sous les eaux pendant une partie de l’année, et qui se dessèchent rapidentent pendant l’autre partie, au point de perdre toute fraîcheur. Dans une semblable situation, on ne trouve d’autre moyen d’amélioration que d’ajouter à la profondeur de la couche végétale ; — il est assez curieux que les irrigations en offrent parfois un moyen facile, soit que l’on ne cherche à obtenir chaque année qu’une mince couche limoneuse qui recouvre l’herbe sans la détruire, soit qu’on ait recours dans son entier à la méthode, beaucoup plus connue en Italie qu’en France, sous le nom de colmates (voy. pages 122 et suivantes de ce volume).

Lorsque les eaux d’irrigation sont vaseuses, à moins qu’on ne les emploie par submersion avant que l’herbe ait commencé à s’élever, on ne peut plus s’en servir que par infiltration. Ce dernier mode a donc sur l’autre l’avantage de pouvoir être appliqué pendant tout le temps de la végétation, sauf celui où la maturation des foins s’effectue ; encore cette considération n’est-elle relative qu’aux prairies, et nullement aux pâturages. — Du reste, il n’est pas indifférent de régler de telle manière ou de telle autre l’époque et la durée des arrosemens sur les herbages. — En général, ceux d’automne et du commencement de l’hiver sont fort utiles, parce qu’ils apportent sur le sol une couche limoneuse fécondante ; ceux de printemps et surtout d’été activent puissamment la végétation, mais il faut dans bien des circonstances savoir en user modérément. Voici comment un praticien anglais, dont M. de Dombasle a cru devoir reproduire en grande partie le travail dans la 6e livraison de ses Annales, développe la méthode d’irrigation qu’il a adop-