Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/501

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prairies artificielles entre elles, il estime qu’en terme moyen, avec leur concours, on obtient d’une étendue de moitié plus petite, une nourriture tout aussi abondante. — Enfin j’ai rappelé précédemment que le résultat d’une enquête faite par le bureau d’agriculture de Londres a élevé jusqu’aux deux tiers la différence en faveur des prairies artificielles et des cultures-racines sur les herbages d’une autre nature.

On se rend facilement compte de semblables faits, en considérant, d’une part, que la plupart des légumineuses sont à la fois plus fourrageuses et plus nourrissantes, à poids égal, que les graminées, et de l’autre, qu’on donne aux champs destinés à recevoir les premières une préparation et des soins de culture tout différens de ceux qu’on accorde, parfois seulement, et presque toujours avec trop de parcimonie, aux dernières.

Quant à la seconde proposition, qui se rattache directement à un bon ou mauvais système d’assolement, j’aurai peu de choses à ajouter a ce qui a été dit au chap. X. — Il est reconnu généralement que toutes les cultures herbagères, alors surtout que, comme les principales de nos légumineuses, elles couvrent complètement le terrain de leur épais feuillage, lorsqu’on ne les réserve pas pour graines, et qu’on les enfouit en partie quelque temps après leur dernière coupe, donnent au sol plus de fertilité qu’elles ne lui en enlèvent, fussent-elles fauchées jusqu’à 2 et 3 fois chaque année, ainsi que la luzerne. Que cela soit dû, conformément à l’opinion de M. De Candolle, à la nature même des sécrétions de leurs racines ; selon d’autres, à l’absorption continuelle de sucs nutritifs qu’elles font dans l’atmosphère au profit de la terre ; à la décomposition graduelle des détritus qu’elles laissent dans la couche labourable ; à ces diverses causes réunies, ou à toute autre moins appréciable dans l’état actuel de nos connaissances chimiques, il ne reste guère de doute sur la véracité du fait en lui-même. — Or, on conçoit de quelle importance peut être en agriculture une récolte qui, loin d’enlever quelque chose, ajoute au contraire à l’ancienne fécondité du sol pour les récoltes suivantes ; — qui permet d’équilibrer conformément aux exigences des assolemens et aux besoins de la consommation, la production des denrées indispensables, d’une part à l’existence de l’homme, de l’autre à l’entretien de la vie des animaux, et qui, le plus souvent, sans ajouter aux frais de culture, augmente considérablement les profits de toutes sortes. Aussi, le premier coup a-t-il été porté dans bien des lieux à la routine triennale, par l’introduction des trèfles sur la sole de jachères, et cette plante, la seule dont il faudrait parler pour les rotations à court terme, si elle réussissait partout et toujours, est-elle un des éléments en quelque sorte indispensable de l’assolement quadriennal.

Nous verrons bientôt, en nous occupant des diverses espèces de légumineuses fourragères en particulier, à quelles conditions on peut espérer de les faire concourir, chacune selon sa nature et les circonstances, à ces importans résultats.

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§ ii. — Des procédés généraux de culture spécialement applicables aux prairies légumineuses.

L’époque à laquelle on doit semer les plantes fourragères de cette utile et nombreuse famille n’est pas encore et ne peut être déterminée rigoureusement. Cependant, les praticiens, tandis que les auteurs recommandaient l’automne ont généralement opté pour le printemps, parce qu’ils ont cru remarquer que les légumineuses dont les jeunes tiges et les jeunes feuilles sont toujours pleines de sucs aqueux, même celles qui redoutent le moins le froid quand elles ont accompli leur croissance, ont beaucoup plus à souffrir que les graminées des alternatives de gelées et de dégels d’un premier hiver. — Contre un fait d’observation il n’y a rien à objecter ; — mais d’autres cultivateurs ont éprouvé aussi que, selon les espèces et les localités, les semis d’automne, surtout dans les climats qui manquent de pluies printanières, offraient de grands avanges. Laissons donc chacun prendre conseil de sa position particulière. En pareil cas, quelques essais ne peuvent être sérieusement dommageables, pécuniairement parlant.

La quantité de semence qu’on doit employer est un second point d’une importance particulière, relativement à la prospérité future des prairies légumineuses. — « Les nuages qu’a répandus sur tant de parties de l’agriculture, la manie de tout généraliser, dit Gilbert, semblent s’être épaissis sur cette question. » En effet, les variations qui se trouvent à cet égard dans les anciens auteurs sont à peine croyables. — « Je conviens d’abord, ajoute l’agronome précité dont l’excellent ouvrage, couronné par la Société centrale d agriculture, en est arrivé de nos jours à sa sixième édition, je conviens que les plantes dont sont formées ces prairies deviendront plus grandes, plus grosses, plus vigoureuses ; qu’elles donneront enfin plus de fourrage lorsque la semence aura été économisée, que lorsqu’elle aura été prodiguée. Les exemples que cite M. Tull ; les expériences faites après lui par MM. de Châteauvieux, les membres de la Société de Bretagne, et Duhamel, ne laissent aucun doute à cet égard ; mais, la quantité de fourrage est-elle donc le seul avantage qu’on doive rechercher dans les prairies artificielles ; n’est-ce pas à la qualité qu’il faut surtout s’attacher ? Or, il est hors de doute que la luzerne, le trèfle et spécialement le sainfoin, semés dru, sont d’une qualité bien supérieure à celle de ces plantes semées plus clair. Le défaut des plantes de prairies artificielles est en général d’avoir des tiges trop grosses, trop dures, qui opposent une trop grande résistance à l’action de la mastication, et surtout à celle des sucs dissolvans de l’estomac. Cet inconvénient diminue, il disparaît même presque entièrement lorsque la semence n’a pas été épargnée. Les tiges sont déliées, tendres, ne s’élèvent pas à une aussi grande hauteur ; mais, comme elles sont plus nombreuses, elles gagnent en quelque sorte d’un côté ce qu’elles perdent de l’autre. — Un autre avantage important, c’est que les plantes très serrées étouffent, des la première année, les plantes étrangères