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liv. ier.
Agriculture : sol.

pluie tombée sur les sommets et arrêtée par le banc argileux, laquelle s’épanche par filets imperceptibles et très-nombreux, de sorte que la totalité de la couche supérieure en est à peu près également imbibée. » (Bosc).

Explication de la figure : A, montagne graveleuse susceptible de laisser infiltrer l’eau des pluies et qui repose sur un lit d’argile ; — B, B, B, fentes qui se trouvent dans l’argile et direction des eaux qui la pénètrent ; — C, terrain uligineux.

Les terres uligineuses diffèrent de la tourbe des lieux submergés, en ce que celle qui les compose est toujours mêlée d’une certaine quantité d’argile, de sable et même de terreau dû à la décomposition des diverses parties des végétaux qui a eu lieu à la superficie du sol, et par conséquent en présence de l’air. — Aussi est-il plus facile de les amener promptement à l’état de terre végétale, et ne faut-il pour cela que les soustraire aux effets toujours agissans des infiltrations, les exposer en couches minces aux influences atmosphériques pendant quelques mois, ou leur donner de la chaux.

Les terrains uligineux sont très-communs sur divers points de la France. Il en existe tout près de Paris, autour de la plupart des buttes à plâtre ; il en existe aussi dans la forêt de Montmorency, et on peut les aller étudier dans le voisinage du château de la Chasse, non loin du tombeau vénéré de l’excellent homme qui les a décrits. — En général, comme les véritables tourbières, ils se couvrent exclusivement de plantes qui leur sont propres. — L’aune, le saule aquatique, le frêne et le bouleau sont à peu près les seuls arbres qui puissent, non pas y prospérer, mais y vivre languissamment.

Les obstacles que la culture rencontre dans de telles localités sont donc de plusieurs sortes, puisqu’à une humidité permanente et presque toujours froide, se joint la qualité semi-tourbeuse du sol et son peu de profondeur. — Pour obvier au premier inconvénient, il est indispensable de creuser à la partie supérieure du terrain uligineux un fossé assez profond pour couper la nappe d’eau qui filtre sur le sous-sol, et de diriger cette eau dans d’autres fossés, jusqu’au fond de la vallée. — J’ai dit plus haut comment on peut parer au second ; j’ajouterai cependant qu’à l’emploi réitéré de la chaux ou, à son défaut, de tout autre amendement calcaire, on fera bien de joindre de loin en loin la pratique de l’écobuage, dont les excellens effets, en pareil cas, ne peuvent être contestés. — Enfin, quant au peu de profondeur de la couche labourable, on peut y remédier en défonçant et en mélangeant l’argile ou la marne argileuse du fond avec la tourbe de la superficie ; opération coûteuse à la vérité, mais d’un effet certain et durable.

III. Sols marécageux. — Ils se confondraient avec les précédens, si, comme eux, ils avaient de la pente et étaient susceptibles de s’égoutter. — Ce sont des terrains sensiblement horizontaux, couverts d’eaux stagnantes, au moins une partie de l’année, et qui ne peuvent en être naturellement débarrassés que par les effets de l’évaporation.

Lorsqu’ils sont totalement et constamment submergés, ils deviennent complètement impropres à toute culture. Deux plantes usuelles y croissent cependant spontanément : le cresson et la macre ou châtaigne-d’eau (Trapa natans, fig. 29). Le fruit bizarre de ce végétal, très-répandu dans les eaux stagnantes d’une partie de l’ouest de la France, contient une pulpe farineuse, nourrissante et d’un goût assez agréable, qui le fait rechercher par beaucoup de personnes à l’égal de la châtaigne, et qui mérite d’être plus généralement apprécié.

Fig. 29.
Fig. 29.

Lorsque les terrains marécageux ne sont submergés qu’une partie de l’année, ils se couvrent d’une végétation qu’on pourrait appeler mixte, dans laquelle, à côté des joncs, des scirpes, des souchets, etc. (voy., fig. 30), on reconnaît d’autres plantes qui appartiennent aux prairies. Aussi donnent-ils dans les années favorables des foins que leur mauvaise qualité n’empêche pas d’utiliser pour la nourriture des ruminans, quoiqu’ils soient fort peu de leur goût et souvent assez malsains. Il est telles localités où les bœufs perdent toute énergie et se couvrent de poux, dès qu’on est obligé de les nourrir d’herbages de marais.

Dans ces sortes de terrains quelques arbres peuvent croître assez bien sans dessèchement préalable, pour peu que l’argile du fond soit à une assez grande profondeur. Cependant beaucoup manquent à la transplantation ou périssent de ses suites, même parmi les espèces qui réussissent le mieux après la reprise. En beaucoup de cas, les plantations du printemps, si elles étaient possibles, remédieraient en partie du moins à ce grave inconvénient. — Au nombre des arbres qui peuvent croître avec profit dans les marais et contribuer à-la-fois à leur attérissement et à leur assainissement, il faut citer en première ligne les saules, les peupliers, puis l’aune, le bouleau, qui a l’heureuse prérogative de prospérer sur les sables arides des coteaux et dans les fonds vaseux, le cyprès dystique, qui deviendra peut-être un des grands végétaux ligneux les plus utiles en pareil cas, enfin le frêne, etc., etc.

Les contrées marécageuses ne sont pas seulement improductives, elles sont surtout insalubres. Sous ce double rapport, il est également désirable de les dessécher ou de les