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chap. 2e.
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MÉLANGE DU SOUS-SOL AVEC LA COUCHE VÉGÉTALE.

Il est évident, d’après ce qui précède, qu’on peut rencontrer au-dessous des terres labourables autant de couches différentes qu’il existe de roches ou de formations diverses ; il en résulte aussi qu’il existe au moins autant de variétés de sols que les roches qui se trouvent à la surface de la terre offrent d’espèces. Dans le fait, il y en a beaucoup plus ; car, sans parler des changemens produits par l’industrie humaine et par la culture, les matières dont se composent les couches ont été mêlées et transportées d’un lieu dans un autre par les diverses révolutions qui ont eu lieu sur le globe et par l’action continue des eaux. Une classification scientifique des sols serait inutile ; celle qui est généralement adoptée par les agronomes, et qui a été l’objet de la section 2e de ce chapitre, suffit ; il nous reste à indiquer l’influence du sous-sol dans la culture.

§ II. — Imperméabilité du sous-sol pour les racines.

La couche inférieure du sol est tantôt composée des mêmes élémens que la couche supérieure, à l’exception de l’humus et des principes que celle-ci tire de l’atmosphère avec laquelle elle est en contact ; tantôt elle est composée de substances d’une nature différente.

Lorsque la couche arable repose sur des roches dures et non désagrégées ou dans un commencement de décomposition, elle est ordinairement peu fertile ; on ne pourrait lui donner plus de profondeur que par des transports de terre, toujours trop dispendieux en agriculture sur une surface un peu étendue ; elle offre en outre l’inconvénient de causer fréquemment la rupture des instrumens aratoires. Si cette couche est très-mince, et que la roche n’offre pas de fissures, la terre est presque improductive, et ne présente que peu de chances d’amélioration. Mais, quand le sous-sol est composé de blocs détachés ou qui laissent entre eux des fentes, lors même que quelques parties se montrent au dehors, ces sols peuvent être utilisés surtout en bois, les racines des arbres trouvant moyen de pénétrer dans les fissures et les crevasses, entre les blocs, et d’y puiser l’humidité qui s’y conserve très-bien. On peut aussi les cultiver en plantes céréales ou autres ; mais on est alors obligé le plus communément de se servir des outils à main.

Dans les lieux où le sous-sol est composé de couches compactes, soit argileuses, soit calcaires, soit argilo-calcaires, soit enfin argilo-sableuses, la manière dont le cultivateur doit se comporter dépend de la nature de la terre et des qualités ou défauts qui y dominent. — Lorsque le sous-sol est de nature à améliorer la terre labourable, ou à augmenter son épaisseur sans la détériorer, on doit, par le défoncement ou des labours profonds, en ramener une partie à la surface ; au premier abord, ce mélange amoindrit quelquefois le sol, mais ensuite le terrain en est sensiblement amélioré : telle est la conduite qu’on doit tenir, par exemple, quand un sol léger repose sur une couche compacte ou sur une marne argileuse, ou qu’un terrain trop tenace est superposé à un tuf composé de petites pierres calcaires, de graviers siliceux ou de cailloux. — Au contraire, quand le sous-sol est doué des propriétés qui sont déjà en excès dans la terre qu’on cultive, il faut s’en tenir aux labours superficiels, ou du moins n’attaquer la couche inférieure qu’avec de grands ménagemens, et après de nombreux essais sur les effets que ce mélange doit produire.

Dans les terres qui ont peu de profondeur, la couche inférieure agit donc d’une manière très-importante à apprécier, en arrêtant les racines ou les laissant passer avec plus ou moins de facilité. Dans le premier cas, on doit se borner à la culture des plantes à racines traçantes, les seules qui puissent prospérer dans ces sols ; dans le deuxième, c’est-à-dire si le sous-sol est composé de cailloux, de galets, de pierres, mêlés de substances à l’état friable, il pourra permettre aux racines longues et fortes de s’y insinuer avec avantage pour la végétation, ou bien il se laissera pénétrer par toutes les racines fibreuses, et l’on devra choisir les cultures en conséquence.

§ III. — Du mélange du sous-sol avec la couche végétale.

M. Darblay a parfaitement expliqué comment le précepte que lorsqu’on ramène à la surface, par un labour profond, les terres d’un mauvais sous-sol, on rend la couche supérieure, anciennement cultivée, infertile pour quelques années, comment ce précepte, vrai dans le cas de mauvaises cultures, devient inexact dans le cas de bonnes cultures, où la rotation des récoltes est bien entendue. Si le cultivateur veut immédiatement obtenir une bonne récolte de céréales, sans s’embarrasser de l’amélioration progressive du sol, il n’y a pas de doute que le sous-sol non imprégné d’engrais et des influences atmosphériques, fût-il même de bonne qualité, ne nuise à la végétation de la céréale au lieu de lui être favorable ; il n’y a pas de doute qu’il ne diminue même considérablement la récolte s’il est de mauvaise qualité.

Mais, si le cultivateur veut améliorer le fonds de sa terre ; si, au lieu de regarder à la récolte d’une seule année, il fait attention aux récoltes suivantes, alors les labours profonds deviennent les plus avantageux, parce qu’après quelques cultures ils ont augmenté l’épaisseur de la couche cultivable, ont ainsi donné aux racines la possibilité de s’enfoncer plus avant, et les ont mises en contact avec une plus grande étendue de matière qui les alimente. Par cette raison, la plante est mieux nourrie, les tuyaux sont plus gros, les végétaux tiennent plus au sol, et les pluies et les vents ne peuvent les renverser, les coucher que difficilement ; un autre avantage, c’est qu’un temps sec long-temps continué les fait moins languir, parce que la couche inférieure conserve plus long-temps de l’humidité que la surface. Enfin les labours profonds enfouissent à une grande profondeur et font périr une foule de graines qui, enterrées moins profondément, auraient encore végété et nui à la récolte.

Pour arriver à l’amélioration progressive de cette couche inférieure du sol, il faut une meilleure culture ; il faut que les plantes sarclées et fumées, la pomme-de-terre surtout, commencent la rotation, et que tous les deux

agriculture.
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