Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/107

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entends tous ; et quand je vois le contraire, je dis : C’est qu’ils ont voulu parler communément ; c’est comme quand on dit que Dieu s’est repenti : qu’il est en furie, etc. ; c’est qu’ils parlent aux hommes. Je m’en tiens à cette première et grande vérité qui est toute divine[1]. »

La plume élégante de Mme de Sévigné confirme parfaitement tout ce que vient de nous dire un vénérable magistrat. Elle peint au naturel, et, ce qui est impayable, en croyant faire un panégyrique, l’atrocité des dogmes jansénistes, l’hypocrisie de la secte et la subtilité de ses manœuvres. Cette secte, la plus

  1. Tom. VI, lettre 335 et 529. Après tous ces beaux discours, il est plaisant d’entendre le post-scriptum confidentiel du marquis de Sévigné qui disait à sa sœur : Il s’en faut encore quelque chose que nous soyons convertis (sur la prédestination et sur la persévérance) ; c’est que nous trouvons les raisons des semi-pélagiens fort bonnes et fort sensibles, et celle de S. Paul et de S. Augustin fort subtiles et dignes de l’abbé Têtu (personnage original souvent cité dans les lettres de Mme de Sévigné). Nous serions très-contents de la Religion, si ces deux saints n’avaient pas écrit : nous avons toujours ce petit embarras (Tom. IV, lettre 394). Je me garde bien de prendre et encore plus d’employer ce badinage au pied de la lettre ; je dis seulement que voilà l’effet nécessaire de ces effroyables doctrines sur les gens du monde doués d’un bon cœur et d’un esprit droit, c’est de les jeter à l’extrémité opposée. Il faut remarquer l’exclamation de la spirituelle théologienne : Si vous appelez le pur mécanisme d’un automate, libre arbitre, ah ! je le veux bien ! Je ne puis au reste me refuser au plaisir de parodier ce passage : « Je lis dans les saintes Écritures : Dieu aime tout ce qui existe. Il ne peut rien haïr de ce qu’il a créé ; il ne saurait permettre qu’aucun homme soit tenté au delà de ses forces. Il veut que nous soyons tous sauvés ; il est le sauveur de tous, mais surtout des croyants. — Tu pardonnes à tout, parce que tout est à toi, ô l’ami des âmes ! etc. Je trouve mille passages sur ce ton. Je les entends tous, et quand je vois le contraire, je dis : C’est qu’ils parlent aux hommes auxquels il peut être bon souvent de parler de telle ou telle manière. Ces textes d’ailleurs doivent nécessairement être modifiés et expliqués par les autres. C’est comme lors qu’ils disent qu’il y a des péchés irrémissibles, que Dieu endurcit les cœurs, qu’il induit en tentation, qu’il a créé le mal, qu’on doit haïr son père, etc. Je m’en tiens à cette première et grande vérité qui est toute divine. » — Il me semble que ce n’est pas tant mal rétorqué, mais quel est donc le charme indéfinissable qui dans le doute fait pencher l’homme vers l’hypothèse la plus scandaleuse, la plus absurde, la plus désespérante ? C’est le plus puissant de tous les charmes, le plus dangereux pour les meilleurs esprits, les délices du cœur humain, — le charme de la révolte.