Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/117

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Pascal, de Nicole, d’Arnaud, etc., n’appartient qu’à eux, et nullement à Port-Royal, qui ne les forma point ; ils portèrent leurs connaissances et leurs talents dans cette solitude. Ils y furent ce qu’ils étaient avant d’y entrer. Ils se touchent sans se pénétrer, ils ne forment point d’unité morale : je vois bien des abeilles, mais point de ruche. Que si l’on veut considérer Port-Royal comme un corps proprement dit, son éloge sera court. Fils de Baïus, frère de Calvin, complice de Hobbes et père des convulsionnaires, il n a vécu qu’un instant, qu’il employa tout entier à fatiguer, à braver, à blesser l’Église et l’État. Si les grands luminaires de Port-Royal dans le XVIIe siècle, les Pascal, les Arnaud, les Nicole (il faut toujours en revenir à ce triumvirat), avaient pu voir dans un avenir très-prochain le gazetier ecclésiastique, les gambades de S. Blédard et les horribles scènes des secouristes, ils seraient morts de honte et de repentir ; car c’était au fond de très-honnêtes gens (quoique égarés par l’esprit de parti), et certainement fort éloignés, ainsi que tous les novateurs de l’univers, de prévoir les conséquences du premier pas fait contre l’autorité.

Il ne suffit donc pas, pour juger Port-Royal, de citer le caractère moral de quelques-uns de ses membres, ni quelques livres plus ou moins utiles qui sortirent de cette école ; il faut encore mettre dans la balance les maux qu’elle a produits, et ces maux sont incalculables. Port-Royal s’empara du temps et des facultés d’un assez grand nombre d’écrivains qui pouvaient se rendre utiles, suivant leurs forces, à la Religion, à la philosophie, et qui les consumèrent presque entièrement en ridicules ou funestes disputes. Port-Royal divisa l’Église ; il créa un foyer de discorde, de défiance et d’opposition au Saint-Siège ; il aigrit les esprits et les accoutuma à la résistance ; il fomenta le soupçon et l’antipathie entre les deux puissances ; il les plaça dans un état de guerre habituel qui n’a cessé de produire les chocs les plus scandaleux. Il rendit l’erreur mille fois plus dangereuse en lui disant anathème pendant qu’il l’introduisait sous des noms différents. Il écrivit contre le calvi-