Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/146

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il y a bien longtemps. Je ne sais pourquoi, j’ai l’impression qu’elle reste un peu triste.

Ses phrases se coupaient d’hésitations et d’arrêts, comme s’il conviait Augustin à en remplir les intervalles.

— Je crois que nous avons bien fait de partir, finit-il par dire.

— Je le crois aussi, papa, répondit Augustin, d’une voix tranquille.

On atteignit la fin de l’avenue. Les derniers reflets des pelouses, une corbeille de fleurs, des arbustes taillés précédaient une conciergerie. Ils la franchirent et reprirent en sens inverse la grise prose de la route.

Une très grande nouvelle vint aider l’obsession à passer.

C’était la semaine d’avant les prix, dans les jours qui suivirent le baccalauréat et la grosse et voyante mention, semblable à celle de l’année précédente. À ce moment juste, éclata le coup de tonnerre. Par-dessus tous les lycées de Paris, Augustin obtenait le premier prix de philosophie des « nouveaux » au Concours général. Il se classait le troisième de France, après deux vétérans des lycées parisiens, dont l’un remportait le prix d’honneur.

On parlait de cet événement d’un ton posé et calme, comme si on renonçait à égaler les mots à son importance. Quand il apprit la nouvelle, Augustin se sentit la tête tournante, le souffle coupé et, dans son bonheur, un curieux mélange de chaleur et de vide. Il se reprit en main avec ses habituelles secousses volontaires, renforcées de railleries contre lui-même. Il trouva pour le cas actuel : « Pensif et pâlissant, comme dans Vigny ». — Mais il n’osa pas ajouter l’autre vers : « Car il était déjà l’élu du Tout-Puissant », dangereusement proche de l’« appel ».

Le Proviseur attendait, d’un collègue de Paris, l’offre de son lycée, pour la préparation à l’École normale. Il en vint trois. En hâte, M. Méridier demanda conseil à M. -