Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/186

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vinrent là pour l’entendre. Dans les couloirs circulaient quelques professeurs de première supérieure, dont le cher père Poiret qui semblait y retrouver chaque fois ses enfants. Des élèves de troisième année, en pleine agrégation, passaient avec une discrétion distante.

On constatait une fois de plus l’extraordinaire sûreté d’Augustin dans l’explication improvisée. Assez loin des exercices scolaires habituels et rarement proposé, le texte — un chœur d’Eschyle — lui fut présenté dans une édition allemande sans note. Le vieil helléniste maigre, à la pomme d’Adam pleine de poils, avait peut-être fait exprès de la choisir.

À chaque traquenard tranquillement élucidé, on entendait, sobres et presque muettes, des appréciations que le vieux savant énonçait comme pour lui-même : « Fort bien, monsieur. Parfaitement vu. » Déçu, le sphinx s’allait suicider dans les roches.

Quand ce fut fini, sans transition :

— Ferez-vous du grec, monsieur, à l’École ? Je n’ose trop l’espérer, avec des notes de philosophie comme les vôtres… Enfin !… Je vous remercie de cette explication, dit-il d’une courtoisie froide, d’où tout sourire était banni.

Bruhl passait septième ; Paulin Zeller onzième ; Christiani restait sur le pavé, tête de liste des refusés. Augustin entrait premier.

La tension des derniers jours avait été pénible pour tous, même pour lui. « Ne nous la fais pas à l’angoisse, disaient ses camarades, espèce d’infaillible, mécanique sans panne, cacique. » (Terme dont on désigne le premier.) Sous ces gros mots, capitonnés par en dessous et bourrés d’amitié, Augustin fléchissait, ému, bien plus qu’on ne croyait. Quand la grande place arriva, le « caciquat » illustre qu’avaient occupé avant lui des personnages comme Taine, quand le vieil universitaire académicien qui dirigeait l’École eut servi aux admis le discours de haute pédagogie où il se plaisait, que le surveillant général à tête d’artiste triste y eut joint les détails pratiques d’ailleurs répétés